Valorisation énergétique des déchets – les injonctions paradoxales

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Pierre Hirtzberger

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ingénieur diplômé en énergétique & environnement de l’Institut National des Sciences Appliquée de Lyon (INSA Lyon) et du Master en Ingénierie et Gestion de l’Environnement de Mines Paris Tech - Ponts Paris Tech. Actuellement directeur général des services techniques du Syctom – l’agence métropolitaine des déchets ménagers 20 ans d’expérience pour le compte de collectivités (agglomération de Boulogne-sur-Mer, Métropole Européenne de Lille et Syctom – l’agence métropolitaine des déchets ménagers) dans la conduite d’opération de construction et le suivi d’exploitation d’équipements de traitement des déchets ménagers : unités de valorisation énergétique, unité de méthanisation, centres de tri de collecte sélectives. Expériences dans la conduite de projets de coopération financés par l’Union Européenne, missions d’expertise sur des schémas de gestion des déchets (Manille – Philippines, Nur Sultan City – Kazakhstan, Métropoles d’Afrique du Sud) Vice-Président en charge du climat et des ressources de l’Association Scientifique et Technique Eau et Environnement (ASTEE)

Pierre Hirtzberger

La valorisation énergétique des déchets, terminologie qui a pudiquement remplacé le terme d’incinération avec récupération d’énergie, est de retour sur la scène des discussions environnementales à la faveur de deux événements : la crise sanitaire actuelle et le travail de la commission européenne sur le Règlement « Taxinomie »[1].

Début mars 2020 régnait encore la doxa du « zéro déchets ». Pourquoi encore parler de valorisation énergétique alors qu’il n’y aura plus de déchets demain à mettre sur les grilles d’incinération ? Le retour brutal des plastiques à usage unique avec la crise sanitaire et les angoisses de rupture de la continuité du service public de traitement des déchets pendant le confinement nous a rappelé le rôle stratégique de l’incinération pour la salubrité publique.

Cette question n’échappe pas à la cohorte de contradictions auxquelles nous devons faire face par ces temps incertains : oui il faut réduire les déchets mais oui également il faut garantir des exutoires de traitement notamment en période de crises.

La Commission Européenne est elle-même confrontée à ses propres injonctions paradoxales. A la faveur d’un travail visant à définir les technologies propres climato-compatibles susceptibles de recevoir demain des financements européens, elle n’est pas encore arrivée à faire le tri. Les discussions du groupe d’experts chargé de donner un avis sur l’éligibilité de La valorisation énergétique à la catégorie « activités bas-carbone » n’ont pas été consensuelles. Il revient in fine à la Commission européenne de statuer dans les actes délégués d’exécution du Règlement « Taxinomie » qu’elle doit publier début 2021.

Il n’est pas aisé de rappeler l’intérêt de ce procédé de traitement sans être taxé de favoriser cette industrie qualifiée de polluante et incapable de s’adapter selon certains à la baisse des gisements à incinérer liée à l’augmentation du recyclage transformant ces usines en aspirateurs à déchets insatiables, à nourrir pendant 40 ans.

Un certain nombre de faits leur donnent cependant tort. Tout d’abord les pays de l’Union Européenne qui recyclent le plus et/ou le mieux sont ceux qui ont largement recours à ce mode de traitement des déchets non valorisables. Ainsi l’incinération ne constitue pas un obstacle en soi au recyclage, c’est plus la manière dont le procédé est mis en œuvre dans une stratégie de gestion de déchets qu’il convient de questionner. Un dimensionnement adapté des installations est la clé.

De plus, les objectifs européens ambitieux de recyclage contenu dans le « Paquet Economie Circulaire » donnent des sueurs froides à certains. L’effondrement des marchés du recyclage avant la crise sanitaire risque de placer les autorités publiques en situation d’imposture : comment demander aux usagers de trier plus quand les débouchés des produits triés ne sont pas assurés ?

Enfin la valorisation énergétique constitue bien un mode de gestion des déchets climato-compatible, comme le mentionne l’Agence européenne de l’environnement dans ses évaluations quantitatives des émissions de gaz à effet de serre des systèmes de gestion de déchets. D’une part l’incinération est vecteur d’émissions évitées importantes grâce à la substitution de l’usage d’énergie fossile par l’énergie issue de la combustion. D’autre part, c’est bien le stockage des déchets qui n’est pas climato-compatible : peu d’émissions évitées grâce à la valorisation énergétique du biogaz et surtout une sous-estimation de l’impact effet de serre des fuites de méthane des installations.

L’après-crise sanitaire requestionnera encore plus fortement l’économie de la gestion des déchets : les politiques de recyclage sont coûteuses. Resteront-elles la priorité face à l’impérieux redémarrage de l’économie ? Comme sur de nombreux sujets, il faudra bien se garder de ne pas sombrer dans la caricature proclamant que demain ne sera plus jamais comme avant. Certes la crise devra nous faire collectivement évoluer mais en matière de gestion de déchets comme ailleurs, il n’y aura pas de grand soir, juste des contradictions à arbitrer.


[1] Nouveau plan d’action pour une économie circulaire – Règlement pour une finance durable

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