Ce que cette «vague verte» a d’inquiétant

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Olivier Babeau

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Président fondateur de l'Institut Sapiens. Professeur à l'Université de Bordeaux, chroniqueur et essayiste, il a cofondé en décembre 2017 la 1ère Think Tech française.

Olivier Babeau

En annonçant qu’il était prêt à se ranger derrière le candidat écologiste à la présidentielle de 2022, Olivier Faure a acté la rétrogradation du Parti socialiste au rang de supplétif électoral. On retiendra bien sûr la vitesse avec laquelle une force politique centrale dans notre pays pendant cinquante ans, qui détenait il y a trois ans encore les clefs de l’Élysée, de l’Assemblée, de la quasi-totalité des régions et de la plupart des départements, a pu être réduite à l’insignifiance. Mais le plus intéressant est moins la disparition de ce courant politique que sa nouvelle hypostase. Contrairement à ce que beaucoup de caciques (de droite comme de gauche) pouvaient penser, l’existence d’une machinerie partisane incluant militants et élus est moins importante que celle d’une idéologie mobilisatrice. En mal de doctrine, le socialisme vient d’achever sa réincarnation dans un véhicule plus porteur.

L’écologie s’est historiquement construite sur un mouvement de résistance à la modernité des Lumières et au capitalisme. Par essence réactionnaire, conservatrice et antilibérale, elle avait connu un certain épanouissement avec le national-socialisme, auprès de qui les thèmes de l’anti-cosmopolitisme, du retour à la terre, des valeurs simples et des solidarités ancestrales résonnaient parfaitement.

En France, le mouvement écologiste a prospéré sur les ruines des idéologies communistes d’abord, et socialistes ensuite. La téléologie socialiste historique, faite de lutte des classes, de lendemains qui chantent et d’espoir de progrès, ne fait plus recette. La promesse s’est radicalement transformée. Il ne s’agit plus d’espérer une vie meilleure, mais de permettre à une poignée d’élus de survivre à la catastrophe qui vient. L’idée n’est plus de donner aux masses laborieuses l’accès aux merveilles de la technologie, mais de les protéger des menaces supposées qu’elles font peser. On ne promet plus l’accès à un confort supérieur jusque-là réservé à quelques privilégiés, mais on exhorte à abandonner ce confort. L’activité humaine n’est plus un outil d’émancipation, mais scelle au contraire la culpabilité collective que nous allons devoir expier. La volonté individuelle doit abdiquer contre la Nature. Le socialisme vert n’est plus un récit d’espoir mais de peur, il a substitué un chemin de croix de renoncement au traditionnel récit de conquête.

Le socialisme traditionnel prenait appui sur l’aspiration au progrès, le socialisme vert utilise quant à lui la peur comme levier. Sont ainsi mêlés dans un même rejet, au mépris de toutes les connaissances scientifiques, les compteurs Linky, la 5G, les OGM, les produits phytosanitaires et le nucléaire. Dans sa lutte ancienne contre la liberté individuelle, dont le droit de propriété est le cœur, le socialisme à bout de souffle a vu tous les avantages qu’il était possible de tirer des récits effondristes. Dans cette nouvelle religion de Gaïa, l’homme est un pécheur condamné à une pénitence éternelle. Il doit faire le deuil de sa volonté individuelle et s’en remettre à un clergé vert se chargeant de déterminer ce qu’il a le droit de désirer et le chemin de son bonheur. La plus grande ruse du diable, dit-on, est de faire croire qu’il n’existe pas. La grande ruse de l’écologie politique est de faire croire qu’elle n’est pas politique, c’est-à-dire de faire apparaître comme solutions inévitables ses choix idéologiques. La décarbonation de l’économie, la transition énergétique et plus généralement le respect de l’environnement ne sont invoqués qu’en tant qu’ils justifient l’abolition d’un système honni. Des idées fausses diffusées avec une adresse stupéfiante empêchent les électeurs de se prononcer en connaissance de cause: citons par exemple ce sondage qui montrait que 86 % des jeunes pensaient que le nucléaire était fortement émettrice de CO2. Symétriquement, le catastrophique bilan écologique réel des éoliennes ou des panneaux solaires est soigneusement passé sous silence (personne ne parlant en France par exemple du dernier documentaire de l’Américain Michael Moore qui les dénonce).

Les termes du débat posés de façon manichéenne (les sauveurs de la Terre contre ses fossoyeurs) interdisent de penser qu’une autre écologie est possible: pragmatique, se méfiant des idées simples car consciente de l’extrême complexité des questions environnementales, faisant confiance à la science, éprise de progrès et pensant qu’il est possible de concilier épanouissement de l’individu et respect de l’environnement.

L’abstention massive est nourrie par l’indifférence et le ressentiment vis-à-vis du système. Par un mécanisme que nous observons désormais couramment sur les réseaux sociaux, les voix modérées s’effacent ou deviennent inaudibles alors que les moins nuancées, les plus extrêmes, sont plus visibles et parviennent à attirer de l’audience. Autrement dit, les tièdes et les hésitants ne votent plus, laissant mécaniquement la place politique aux votes extrêmes. Encore minoritaire dans les votes (l’abstention aidant, un maire peut être élu par moins de 20 % du corps électoral), le socialisme vert prospère sur la crise démocratique en même temps qu’elle l’accélère.


Publié dans le Figaro

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