Sophismes automobiles

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Il y a quelques jours, les auto-écoles ont bloqué les routes et péages pour manifester contre le rapport de la députée Dumas qui propose de favoriser l’apprentissage en ligne et le passage du permis en candidat libre.

Les auto-écoles s’étaient déjà inquiétées de la déclaration d’Emmanuel Macron en novembre indiquant souhaiter « faire baisser le prix du permis ». Pourtant, selon l’UFC-Que Choisir, le prix moyen d’un permis est de 1 800 euros, soit l’un des plus élevés en Europe. La conséquence est terrible : 600 000 personnes roulent aujourd’hui sans permis et 25 % des jeunes renoncent à un emploi parce qu’ils n’ont pas les moyens de se payer les services d’une auto-école.

Le numérique permet d’abaisser les barrières à l’entrée des marchés et de stimuler la concurrence, avec tous les effets bénéfiques habituels : introduction d’innovations, baisse des prix, suppression des intermédiaires inutiles, éviction impitoyable des acteurs inefficaces. Les marchés protégés sont particulièrement attaqués, précisément parce que les confortables rentes dont jouissent des organismes corporatistes bien aidés par le législateur ouvrent des voies faciles d’avantage concurrentiel. Les taxis l’ont expérimenté à leurs dépens avec l’arrivée des VTC. A l’abri derrière leur mur réglementaire, ils avaient pu tranquillement mettre le marché à leur service, en transformant, les plaques (données gratuitement) en actif rare donc monnayable. La concurrence des VTC a baissé les prix, accru la qualité et la disponibilité du service, favorisant la mobilité en zone urbaine.

Contrairement à la croyance populaire, le pouvoir d’achat ne se fabrique pas à Bercy mais bien par la concurrence. Les transformations et autorégulations des marchés grâce au numérique sont la meilleure façon de faire baisser les prix en s’attaquant aux rentes

Marché verrouillé. Pour ce qui est des auto-écoles, l’arrivée d’Ornikar en 2014, la plateforme fondée par Benjamin Gaignault, a été une formidable bulle d’air pour ce marché verrouillé et une très bonne nouvelle pour les jeunes souhaitant passer le permis. Après avoir surmonté de nombreux freins institutionnels et des pressions politiques visant à protéger les corporations en place, ce modèle devrait réduire le nombre d’heures de conduite, améliorer la qualité de service et faire baisser drastiquement le prix d’un permis jusque-là hors de portée de bien des bourses. Contrairement à la croyance populaire, le pouvoir d’achat ne se fabrique pas à Bercy mais bien par la concurrence. Les transformations et autorégulations des marchés grâce au numérique sont la meilleure façon de faire baisser les prix en s’attaquant aux rentes. C’est ainsi que l’on redonne du pouvoir d’achat aux ménages.

En face, les arguments des auto-écoles sont d’une particulière faiblesse. La sécurité routière invoquée veut ignorer les personnes poussées par le système à conduire sans permis et prétend qu’un même examen théorique obtenu par la voie du numérique produirait des conducteurs plus dangereux. Surtout, elle invoque naïvement les emplois menacés et les fermetures d’auto-écoles, ne voyant pas qu’elle propose ainsi une version moderne de la pétition des fabricants de chandelles de Bastiat. Un marché (surtout captif) n’existe pas pour faire vivre les acteurs qui s’y trouvent ; c’est aux entreprises présentes d’y refaire constamment la preuve de leur utilité.

Ceux qui espèrent se protéger derrière une digue réglementaire seront irrémédiablement engloutis. Seuls les secteurs et les entreprises qui feront l’effort d’évoluer et de se transformer pourront survivre.


Publié dans l’Opinion

© photo Nicolas Boissel

AUTEUR DE LA PUBLICATION