Réflexions et propositions des experts de l’Institut Sapiens
Dans un contexte de système de santé français en tension[1], comme l’ont rappelé les évènements tragiques survenus cet été aux urgences[2], la nouvelle ministre de la Santé va devoir s’atteler à réformer en profondeur notre approche de la santé publique.
Il est devenu urgent de mettre en place une série de réformes ambitieuses et concertées, visant à améliorer l’accès aux soins, à renforcer les structures hospitalières et à promouvoir l’innovation.
Ces réformes doivent s’appuyer sur une décentralisation des responsabilités et sur l’optimisation des ressources humaines et technologiques, tout en tenant compte des spécificités locales et des priorités en matière de santé publique. Ce programme exhaustif doit répondre de manière concrète et durable aux attentes des citoyens, des professionnels de santé.
Garantir l’accès aux soins
Un programme ambitieux doit être mis en place pour garantir l’accès aux soins, en décentralisant la responsabilité de l’organisation des soins primaires au niveau local.
La typologie communale de l’accessibilité aux soins, définie par l’Institut de Recherche et Documentation en Économie de la Santé (IRDES), offre une base solide pour orienter cette réforme. Il est également crucial de promouvoir le transfert de compétences vers les pharmaciens et les paramédicaux, afin de renforcer la prise en charge des patients.
Parallèlement, le développement de la téléconsultation et de la télé-expertise, y compris via des plateformes spécialisées, doit être encouragé. Enfin, l’intelligence artificielle (IA) doit être évaluée et accréditée en tant qu’outil d’aide à la décision médicale pour garantir son intégration sécurisée dans les pratiques de soins.
Importance de la prévention primaire
En matière de prévention primaire, il est indispensable de développer un plan global de santé publique. Ce plan doit inclure la lutte contre les addictions (notamment les drogues, la gestion des usages des écrans), la promotion de la santé au travail, ainsi que l’éducation à la santé dès l’école, avec un accent particulier sur la nutrition et l’activité physique. Parmi les enfants de 6-17 ans, seulement 50,7 % des garçons et 33,3 % des filles atteignent la recommandation de l’OMS d’au moins 60 minutes d’activité physique d’intensité modérée à élevée par jour[3].
De telles actions permettraient d’améliorer significativement la santé des populations et de réduire les risques sanitaires sur le long terme.
Nécessaire innovation
Le développement et l’intégration des nouvelles technologies dans le domaine de la santé constituent un autre axe stratégique. L’intelligence artificielle, les nanotechnologies et les vaccins sont autant de leviers d’innovation qui doivent être au cœur des politiques de santé publique, afin de garantir l’accès aux progrès médicaux pour tous. Cela passe par une réorientation des priorités de recherche et par une intégration proactive de ces technologies dans les pratiques médicales.
La loi « infirmière » est essentielle
Le projet de loi relatif à la profession d’infirmière[4] doit également être déployé de manière ambitieuse. Cela inclut le développement de la consultation et de la prescription infirmière, ainsi que l’accès direct aux services infirmiers. En élargissant les compétences des infirmiers, cette réforme contribuera à améliorer l’accès aux soins primaires et à désengorger les structures de soins.
Réformer l’hôpital public et simplifier l’administration
La réforme de l’hôpital public est également une priorité. Il est urgent d’enrayer l’exode des professionnels de santé en mettant en œuvre des mesures visant à améliorer la mobilité sociale, à réduire la pénibilité du travail, et à instaurer des ratios minimaux de soignants par patient.
Il est également nécessaire de simplifier la gestion administrative des hôpitaux en réorientant le rôle des Agences Régionales de Santé (ARS) pour les transformer en structures de soutien, tout en maintenant leur fonction de contrôle. Enfin, les hôpitaux doivent disposer des moyens financiers nécessaires pour investir dans leurs infrastructures et améliorer la qualité des soins.
Intégrer la pénibilité au travail
La prise en compte de la pénibilité dans le secteur de la santé est également cruciale. Cela implique d’intégrer cette dimension dans les politiques de départ à la retraite, de mettre en place des dispositifs d’aide à la reconversion professionnelle, et d’adapter les rémunérations en fonction des conditions de travail. Ces mesures visent à garantir l’attractivité des métiers de la santé et à préserver la qualité de vie des soignants.
La formation comme facteur de mobilité professionnelle
Par ailleurs, l’accès aux formations diplômantes, notamment par le biais des employeurs du secteur de la santé, doit être encouragé. La promotion de la validation des acquis de l’expérience (VAE) et le développement de passerelles entre les différents métiers constituent des leviers essentiels pour favoriser la progression professionnelle et la mobilité au sein du secteur.
Repenser le financement de la santé
Enfin, une réforme ambitieuse du financement du système de santé est nécessaire. Il est indispensable de passer à un modèle de financement forfaitaire pluridisciplinaire pour les patients atteints de maladies chroniques, les enfants et les femmes enceintes, afin de mettre fin aux gaspillages.
La lutte contre la fraude et l’évaluation de la pertinence et de la qualité des soins doivent également être des priorités. Il est, par ailleurs, crucial de redéfinir les rôles respectifs de la Sécurité sociale et des complémentaires santé, en concentrant les financements sur les patients les plus gravement malades.
En conclusion, les réformes proposées visent à répondre aux enjeux actuels du système de santé français. Elles s’appuient sur une décentralisation des responsabilités, une modernisation des pratiques, une amélioration des conditions de travail et une utilisation accrue des nouvelles technologies. En mettant en œuvre ces réformes, il sera possible d’améliorer l’accès aux soins, d’assurer la pérennité de l’hôpital, et de garantir un système de santé plus équitable et efficace pour tous.
[1] https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sante/crise-a-lhopital-les-chiffres-dun-nouvel-ete-sous-tension-aux-urgences-MT5PDGJTUZH3LIQQJFBVNPNILE/
[2] https://www.caducee.net/actualite-medicale/16420/urgences-en-crise-un-ete-2024-revelateur-des-failles-structurelles.html
[3] file:///C:/Users/Utilisateur/Downloads/rapport_annuel_2023.pdf
[4] https://fni.fr/dissolution-quid-de-la-future-loi-infirmiere/