Pour un choc de compétitivité au service de la réindustrialisation

AUTEUR DE LA PUBLICATION

La sauvegarde des emplois et des sites industriels est au cœur du débat politique et économique local. Les fermetures d’usines, comme celles d’Ascoval à Saint-Saulve, de General Electric à Belfort ou de Ford à Blanquefort, provoquent souvent la disparition des commerces, des services publics et des habitants. La désindustrialisation est l’une des causes majeures de la désertification de nos territoires. Or la disparition de nos usines peut être attribuée au décrochage de compétitivité : la concurrence serait responsable de la destruction de 40% des emplois dans l’industrie depuis 1980.

Le volontarisme pro-entreprise porté par l’exécutif depuis deux ans semble porter ses fruits : l’année 2018 a été la première en 18 ans à connaître une création nette d’emplois industriels, et la même tendance se confirme pour l’instant en 2019. De plus, dans son baromètre des investissements directs étrangers, Business France a pointé le regain d’attractivité de l’économie française, dans un contexte international pourtant marqué par les incertitudes liées au Brexit et à la guerre commerciale sino-américaine. L’année dernière, ce sont ainsi 1323 nouveaux projets d’investissements étrangers tous secteurs confondus qui ont été recensés dans notre pays, contre 1298 en 2017. Néanmoins, ce phénomène ne touche pas le territoire de manière uniforme. Les métropoles, qui disposent de taux d’équipements et d’accès aux services publiques bien supérieurs aux territoires, tendent à recevoir la meilleure part de ce surplus.

Pour redynamiser nos territoires, nous devons opérer un choc de compétitivité concernant tous les secteurs d’activité et toutes les régions. Pour y parvenir, nous préconisons d’agir sur les impôts de production. Ces taxes dont les entreprises s’acquittent avant même d’avoir réalisé un seul euro de bénéfices introduisent une forte distorsion de concurrence avec leurs homologues étrangères.

Le débat n’est pas nouveau. Il a même été relancé tout récemment par le CAE qui juge que ces taxes « contribuent à la relative atrophie du secteur productif français ». Elles expliquent notamment le grave différentiel de compétitivité entre la France et l’Allemagne, notamment en ce qui concerne la capacité de production. En France, le total des impôts de production représente 72 milliards d’euros dans son spectre le plus large soit 3,2% du PIB français contre 1,6% en moyenne en Europe (1,5% en Italie, 0,5% en Allemagne). Les seules CVAE, CFE et CS3 représentent 25 milliards. Ces trois taxes ont progressé de 20 % en dix ans, un rythme beaucoup plus rapide que le PIB (+14 %).

Il semble peu réaliste de proposer, comme l’ont fait beaucoup d’autres, leur suppression du jour au lendemain, tant la contrainte budgétaire est forte. Leur éventuelle diminution devrait être envisagée, mais elle ne pourra avoir lieu que sur 5 ans, à partir d’un engagement ferme de le faire jusqu’au bout. Pour réaliser rapidement un choc de compétitivité, nous suggérons de déplacer la comptabilisation de ces taxes dans le compte de résultat en les faisant passer des lignes de résultats opérationnels à celle des impôts sur les sociétés, c’est-à-dire après prise en compte des coûts. Les investisseurs étrangers réalisant leurs décisions d’investissement au moyen d’une comparaison des résultats opérationnels, l’attractivité des entreprises française s’en trouverait mécaniquement améliorée.

Le coût réel de cette opération, chiffré à 5 milliards d’euros par an, ne semble pas excessif pour une véritable politique sociale de relance de l’activité des territoires par l’attractivité. De plus, cet effort devrait faire remonter la collecte d’impôt sur les sociétés qui compensera une partie de la baisse des recettes induites. Il pourrait se révéler inférieur à mesure que la réindustrialisation permettra une renaissance économique de nos territoires. Une mesure gagnante pour tout le monde pouvant à la fois satisfaire nos entreprises et les gilets jaunes.


À propos des auteurs

Olivier Babeau

Président fondateur de l’Institut Sapiens
Ancien élève de l’ENS de Cachan, diplômé de l’ESCP, agrégé d’économie et docteur en sciences de gestion, Olivier Babeau est professeur à l’université de Bordeaux. Il est notamment l’auteur de l’Horreur politique (Les belles lettres 2017) et de l’éloge de l’hypocrisie (Editions du Cerf 2018). Il intervient très régulièrement dans les médias pour décrypter l’actualité économique et politique. En décembre 2017, il fonde avec Laurent Alexandre et Dominique Calmels, l’Institut Sapiens, la première think tech française.

 

Jean-Baptiste Danet

Président de CroissancePlus (2016-2019)
Jean-Baptiste Danet débute sa carrière chez Philips exerçant des fonctions commerciales et marketing. Après 4 ans de direction générale dans le groupe britannique ThornEmi, il devient Président-directeur général d’Euro RSCG Design. En 2001, Jean-Baptiste Danet crée Interbrand France puis dirige Interbrand Europe. Il rejoint l’agence de création Dragon Rouge en 2011, comme directeur général du Groupe et associé des fondateurs, pour définir la stratégie internationale de la société. En 2017, il crée Albumbrands, spécialiste du conseil stratégique de marque à Paris et à Londres, et depuis 2019 il co-préside L’Ambassade, agence de stratégie et d’influence. En juillet 2016, Jean-Baptiste Danet est élu Président de l’association d’entrepreneurs CroissancePlus.


Publiée dans les Echos

AUTEUR DE LA PUBLICATION