Nous devons inventer des tests d’ADN récréatifs made in France

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Guillaume Vogt

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Généticien, chargé de recherche à l’INSERM et Directeur du laboratoire de Neglected Human Genetics.

Guillaume Vogt

Nombreux en rêvaient. « MyHeritage », « 23andMe », et tant d’autres, l’ont fait. Pour seulement une centaine d’euros, chacun peut aujourd’hui obtenir une grande multitude d’informations le concernant, rien qu’à partir de son ADN. Il suffit simplement d’envoyer un peu de salive, de répondre à différentes questions sur Internet, pour, en à peine quelques semaines, en savoir beaucoup sur ses origines, sa santé, et bien plus encore.

L’idée est innovante, voire révolutionnaire. Et proclamer le contraire relève au mieux de l’ignorance, au pire de la mauvaise foi. Pourtant, ces entreprises sont strictement interdites en France. Et, croyez-le, ou non, ceci est une excellente chose. Pourquoi ? Car derrière elles se trouve une nouvelle industrie, très fructueuse, dont la matière première sont les données génétiques produites à partir de votre ADN.

Essayons une analogie. Les données génétiques sont comme du pétrole pour ces entreprises, qu’elles transforment en essence ;  ce sont en effet des informations de très grande valeur, car d’intérêt majeur pour la science et la médecine. Et le fait est que nombreux laboratoires privés paient des fortunes pour avoir accès à ces informations. Soulignons aussi que le coût du test est aujourd’hui largement couvert par son achat.

Vous l’aurez donc compris : acheter un test génétique sur Internet à ces entreprises n’est pas un geste anodin. Outre le fait qu’il est illégal, et vous expose à une amende de 3 750 euros, il contribue à l’export incontrôlé de données et d’informations importantes qui ne bénéficieront pas à nos chercheurs, nos ingénieurs, nos entrepreneurs, nos pharmaciens ou nos médecins. Alors comment faire ? Il n’y a finalement que deux possibilités.

La première : que la France favorise la création d’entreprises similaires sur son territoire. Problème : cela impliquerait, probablement, d’autoriser aussi ces entreprises privées étrangères (« MyHeritage », « 23andMe », etc.) et de perdre rapidement le contrôle total de la production et de l’exploitation de nos données génétiques, en raison de leur avance considérable. Car, hélas, nous avons pris beaucoup de retard.

L’autre possibilité, qui nous semble la meilleure, serait plutôt de permettre à tous nos hôpitaux, instituts de recherche, et autres, de proposer à chaque français la même offre que « MyHeritage » ou « 23andMe », mais en mieux : en développant des projets de recherche réellement multithématiques (allant du cancer au diabète, en passant par la tolérance à la caféine ou la forme du visage) et connectés que nous avons baptisé « e-CohortE », mais où un médecin est présent à chaque étape.

L’intérêt d’e-CohortE est donc double. Il permet à la France de garder le contrôle sur la production et l’exploitation, tant médicale et scientifique qu’économique, des données génétiques françaises. Mais surtout, il permet au participant de recevoir, en échange, toutes les informations qu’il souhaitait obtenir par « MyHeritage » ou « 23andMe » (origine, santé, récréatives, etc.), mais gratuitement, avec un accompagnement scientifique et médical lui aussi gratuit, et surtout, un véritable contrôle de ses données.

Une génétique 2.0 à la française, en accord avec la volonté de la CNIL – interviewée par Konbini Techno – de « faire émerger des acteurs européen » ou français face à « MyHeritage » ou « 23andMe », qui permettrait, à la France de créer une génétique pour tous, dans le respect des intérêts de chacun, en accord avec sa loi et sa réglementation en la matière.


Publié dans Konbini techno

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Généticien, chargé de recherche à l’INSERM et Directeur du laboratoire de Neglected Human Genetics.