Luttons contre notre cher déterminisme social

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Olivier Babeau

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Président fondateur de l'Institut Sapiens. Professeur à l'Université de Bordeaux, chroniqueur et essayiste, il a cofondé en décembre 2017 la 1ère Think Tech française.

Guillaume Moukala Same

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Chargé d'études à l'Institut Sapiens. Etudiant à Sciences Po Grenoble

Olivier Babeau, Guillaume Moukala Same

Alors qu’en matière d’écart de revenus la France fait partie des bons élèves de l’OCDE, en matière de mobilité sociale, elle se place en avant dernière position. La redistribution fiscale, bien qu’elle soit efficace, ne permet pas de lutter contre la véritable injustice qui plombe notre société : les inégalités de destin. On ne peut se contenter de mettre le problème des inégalités sous le tapis en corrigeant simplement ses effets, il faut s’attaquer à ses causes profondes : le déterminisme social. Partant du constat que peu d’études ont jusqu’ici cherché à estimer l’ampleur du coût occasionné par le déterminisme social, l’Institut Télémaque a sollicité l’expertise de l’Institut Sapiens.

 

Qu’est-ce que le déterminisme social ?
Le « déterminisme social » renvoie à l’idée selon laquelle la position sociale d’un individu à l’âge adulte serait en partie déterminée à sa naissance par l’origine socio-économique de ses parents. Ainsi, les individus ne seraient pas réellement maîtres de leur existence mais emprunteraient inconsciemment le chemin qui mène à la position à laquelle leur origine socio-économique les prédestine.

Concrètement, en France le déterminisme social engendre d’abord des inégalités scolaires : d’après l’OCDE, le milieu socio-économique explique 20% de la performance en mathématiques des élèves de 15 ans. Cela conduit ensuite à des inégalités de diplôme. Les enfants de cadres et professions intermédiaires ont par exemple 2,5 fois plus de chance que les enfants d’ouvriers ou d’employés d’obtenir un diplôme supérieur à bac +2. Ces inégalités de diplômes se traduisent ensuite en inégalités de revenu puisque l’écart moyen de niveau de vie entre un enfant de cadre et un enfant d’ouvrier non qualifié s’élève à 1000 euros par mois, d’après une étude de France Stratégie.

 

Pourquoi lutter contre le déterminisme ?

Il d’agit d’abord d’un devoir moral. Sans mobilité sociale, quelle serait la légitimité de nos sociétés démocratiques et libérales où le destin d’un individu serait déterminé à la naissance par son origine sociale ? L’égalité devant la loi doit pouvoir se traduire par une réelle égalité des chances et non aboutir à une société de castes informelles. C’est également un enjeu économique. Ces inégalités sont contre-productives et présentent un coût pour notre société. Tous ces potentiels inexploités sont autant de Mozart empêchés, de talents réprimés qui auraient pu contribuer à enrichir la société. Nous avons estimé dans cette étude que le déterminisme social coûte 10,1 milliards d’euros par an et engendre un manque à gagner de 44 milliards d’euros. C’est enfin un enjeu du siècle qui vient. Le sujet du déterminisme social est d’autant plus d’actualité que la transformation technologique en cours menace de nombreux métiers et requiert de la part des travailleurs une adaptabilité et une agilité accrue.

 

Quelles en sont les causes principales ?

Le déterminisme social est un phénomène complexe. Ses causes sont multiples et un nombre incalculable de facteurs entrent en jeu. Tout d’abord les familles sont inégales face aux demandes de l’institution scolaire et aux moyens d’assurer à leurs enfants un cadre favorable à leur développement intellectuel. Ensuite, l’investissement dans l’éducation est mal fléché : les moyens publics sont plus fortement alloués vers les zones géographiques où les élèves réussissent déjà, et sont moins fortement dirigées vers les zones en ayant le plus besoin. De plus, les enseignants ne sont pas assez armés pour faire face à des situations difficiles et les chefs d’établissement ne disposent pas d’assez de flexibilité pour adapter leurs ressources aux besoins des élèves. Nous avons également remarqué que le manque de confiance personnelle des individus défavorisés les conduisait à s’auto-exclure et l’absence de rôle modèle à se persuader que « ce n’est pas pour eux ». Les études scientifiques sur le sujet ont montré que l’état d’esprit des élèves, parents ou enseignants semble expliquer la réussite ou non des individus mieux que les autres variables comme le sexe, l’origine ethnique, la qualité de l’enseignement ou le statut social.

 

Comment lutter ? 

Pour lutter contre le déterminisme social nous proposons de nous appuyer sur deux leviers principaux : la société civile et l’école. Concrètement, nous proposons la création d’une plate-forme numérique permettant la mise en relation des associations, entreprises, élèves et établissements scolaires. Cette application sera rattachée à une monnaie numérique, la « DETERcoin », ne pouvant être émise qu’en s’engageant dans la lutte contre le déterminisme social afin de favoriser l’émergence d’un marché de la solidarité. Nous proposons également la création d’une UE obligatoire « Engagement citoyen et associatif » afin d’inciter les étudiants à accorder du temps aux autres et l’élargissement de la loi Aillagon aux heures de tutorat. Concernant le système éducatif, il semble impératif de réformer et d’allonger la formation initiale des enseignants pour mieux les préparer aux enjeux de la lutte contre le déterminisme social et d’élargir la capacité pour les chefs d’établissements en éducation prioritaire à recruter sur profil. Nous proposons également de n’affecter en éducation prioritaire que les enseignants ayant au moins trois ans d’expérience.

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Olivier Babeau

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Président fondateur de l'Institut Sapiens. Professeur à l'Université de Bordeaux, chroniqueur et essayiste, il a cofondé en décembre 2017 la 1ère Think Tech française.

Guillaume Moukala Same

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