Le secteur de la edTech au secours de la pandémie – entretien avec Charlotte Fillol

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Institut Sapiens

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L’Institut Sapiens est un organisme à but non lucratif dont l’objectif est de peser sur le débat économique et social. Il se veut le premier représentant d’une think tech modernisant radicalement l’approche des think tanks traditionnels. Il souhaite innover par ses méthodes, son ancrage territorial et la diversité des intervenants qu’il mobilise, afin de mieux penser les enjeux vertigineux du siècle.

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Suite aux propos du ministre de l’éducation nationale,  Jean-Michel Blanquer sur la continuité scolaire, quel rôle joue la technologie et qu’est ce que cela signifie ?

 Le contexte sanitaire actuel fait de la technologie la réponse immédiate pour dépasser l’isolation et les contraintes imposées par la lutte contre le virus – et cela est valable à tous les stades, depuis l’éducation jusqu’au travail temporaire : il n’est pas envisageable de laisser les enfants sans éducation, pas plus qu’il n’est envisageable de cesser toute forme de travail en commun. Ca c’est pour le principe, car la réalité est plus contrastée.

D’abord, le recours à la technologie comme solution au confinement repose sur une exigence loin d’être évidente : non, tout le monde n’est pas équipé d’un ordinateur, ou alors capable d’utiliser l’outil informatique.

Ensuite, l’enseignement est un vrai métier – et les milliers de parents qui font aujourd’hui la classe à la maison en sont bien conscients -, et un métier qui repose avant tout sur l’échange et le partage. La technologie n’offre au mieux qu’une réponse fragmentaire, imparfaite à ces défis-là

Enfin, d’un point de vue plus conjoncturel, ce caractère partiel est encore aggravé par deux facteurs convergents : d’un côté le défaut de formation des enseignants à l’utilisation des outils en ligne, de l’autre l’inadaptation de ces mêmes outils aux nécessités de l’enseignement. S’il est une conclusion à tirer de ces derniers jours c’est bien que l’infrastructure et les plateformes d’enseignement en ligne ne sont pas prêtes ni testées à grande échelle.

Il faut donc faire de l’épreuve d’aujourd’hui un atout pour demain, en tirant les leçons des limites actuelles pour développer l’EdTech en France : la crise aura au moins cette vertu, de faire comprendre à tous les enjeux et intérêts de l’enseignement en ligne. En particulier ce qui fait le coeur et la valeur ajoutée de ce dernier : l’hyper-personnalisation des cours et du contenu, l’interactivité, la capacité de “feedback” et d’amélioration permanente. Faire de l’enseignement en ligne, c’est tout sauf basculer des cours en ligne : c’est au contraire créer les structures nécessaires pour une pédagogie différente, à la fois personnalisée et en masse.

Cet épisode exceptionnel est donc une opportunité, non sans risque puisque personne n’est préparé – tant les parents que les enseignants ou les infrastructures technologiques, que les modalités – qui normalement ne sont pas 100% en ligne mais présentent un espace d’échange en présentiel ou en collectif.

 

L’edTech au service de la transformation de notre système éducatif. Quelles sont les modalités ?

 Au-delà de l’Education nationale, le secteur Edtech pourrait aider l’ensemble de la chaîne éducative, en intégrant l’enseignement supérieur et la formation professionnelle : sur ces deux marchés, l’Edtech est déjà présente, sans pour autant avoir prouvé son efficacité. La qualité des contenus en ligne reste souvent sujette à caution, les modalités pédagogiques sont souvent sommaires, les limites de l’évaluation sont très souvent pointées du doigt. Nous sommes passés dans l’ère post-Mooc : longtemps nous avons vécu dans l’illusion que la coexistence simultanée de contenus, d’un étudiant et d’un ordinateur allait miraculeusement créer de l’éducation. Apprendre, c’est long et compliqué – en réponse, faire de l’éducation c’est complexe également, sur un marché lui-même très fragmenté. Trouver le bon modèle, pédagogique, économique ou sociétal est donc un défi, qui demande forcément de multiples itérations.

Certains fondamentaux émergent toutefois des expériences passées: la pédagogie doit être totalement repensée en gardant en mémoire qu’encadrer et suivre les étudiants est le coeur du réacteur, et ce à tous niveaux ; l’interactivité est indispensable comme fondement pédagogique, tant apprendre c’est essayer et échouer.

 

Si vous deviez écrire une feuille de route, quelles sont, selon vous, les priorités pour prendre le tournant d’une vraie transformation ?

Un changement de paradigme est nécessaire à tous les niveaux :

Au niveau de l’école, linteractivité – et les outils pour favoriser cette dernière – doit être au coeur de la démarche éducative en ligne. L’employabilité n’est pas l’alpha et l’omega de la formation, malgré la vogue contemporaine du mot et du concept : il faut former des esprits capables de penser, non pas asséner des contenus de savoir sans capacité d’action.

Au niveau des entreprises et de la formation professionnelle : le paradigme posé ne semble pas le bon : la compétence individuelle doit être articulée avec la compétence collective.

Il faut, à chacun des niveaux, repenser l’éducation en ligne non pas comme un changement de support, de la présence au virtuel, mais au contraire comme un alliage en perpétuelle évolution, un équilibre à créer au profit de l’étudiant : il ne s’agit pas seulement de former, mais aussi de faciliter par le biais de l’Internet les démarches de formation, de faciliter la reconnaissance des compétences et les parcours composites.

 

Comment se porte l’edTech, en France et dans nos pays voisins ?

A l’international, deux marchés sont très en avance en terme de financement et levées de fonds : les Etats-Unis et la Chine. La France apparaît comme un marché très petit à cet égard. Notamment parce qu’en France une grande partie du marché (primaire et secondaire, si on exclut les écrans de la maternelle) est un marché unique -l’Education Nationale- dans lequel le système de centralisation et  de marchés rend difficile l’émergence d’acteurs viables.

Après, la comparaison internationale est rassurante sans pour autant présenter toutes les garanties de pertinence ou d’adaptation à la France :

Rassurante car in fine les acteurs majeurs que l’on voit émerger, aux Etats-Unis par exemple, comme Coursera ou Udacity, n’ont pas trouvé leur modèle économique et ne proposent pas de produits qui semblent éloignés de ce que l’on peut faire en France. Par contre, et cela me semble être un vrai enseignement pour la France, les acteurs réels sont les universités du type Capella ou Arizona State University, qui diplôment des milliers d’étudiants en ligne. La réalité de la concurrence vient finalement des acteurs classiques qui font leur transformation ou d’acteurs qui prennent les codes classiques de l’Education.

Aucun sens, car contrairement à ce que beaucoup ont pu croire et parfois croit encore, le marché de l’Edtech n’est pas un marché si international que ca, encore moins quand on se penche sur le K12. La standardisation à l’infini des cours sur étagères a présenté ses limites. Les approches culturelles, les compétences visées, la localisation des cours, pour ne citer que cela, constituent des frais à cette réalité globale.

Enfin et surtout, si l’on revient au cas français, c’est un marché très réglementé, avec des fonctionnements et acteurs particuliers, qui n’est pas facilement maîtrisable et compréhensible pour un acteur étranger : la reconnaissance des diplômes, le CPF, le rôle des OPCO, les marchés publics etc. sont autant de spécificités qui sont, quand on regarde, présentes dans chaque pays. Et cela n’est pas étonnant in fine : l’éducation est le lieu de façonnage des citoyens, et les choix qui sont effectués, nous le savons bien, préparent la société de demain.

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