Le divertissement au service du confinement : leçon du bon usage de la technologie

AUTEUR DE LA PUBLICATION

La Fnac, l’Opéra National de Paris, le Metropolitan Opera de New York et de multiples musées ouvrent virtuellement leurs portes le temps du confinement. L’occasion de se déconnecter de la dureté du temps présent, en se reconnectant aux héritages culturels du passé et permettre ainsi une connexion plus éclairée à la construction de son avenir. L’inscription de notre confinement dans ce processus pédagogique est exactement la vocation première de la technologie. En créant du lien, elle réinscrit l’Homme dans sa vocation sociale ; en le divertissant, elle réinscrit l’Homme dans sa vocation autocréatrice ; en l’affranchissant de tout espace, elle réinscrit l’Homme dans sa vocation de conquête. La technologie renoue ainsi avec ses ambitions prométhéennes : permettre à l’Homme de se réinventer et à la société de se techno-humaniser. Toute crise éclaire alors les dysfonctionnements d’un écosystème et en devient le levier d’apprentissage.

Dès son arrivée sur le sol français, la propagation du Covid 19 fut assortie d’injonctions comme la protection des plus fragiles, de sa famille, de ses amis, de ses collègues et plus largement de la population. Cette mise à distance protectrice a, paradoxalement, rapproché les personnes entre elles et, curieusement, remis chacun à sa place. En effet, l’éloignement physique imposé par la situation doit s’évaluer à proportion du rapprochement immatériel qui fut réalisé. S’il concerne en premier ses proches, il s’est élargi à sa sphère professionnelle… Combien de mails et de conversations se terminent dorénavant avec un « prenez soin de vous » et combien d’applications furent téléchargées pour assurer la continuité de ces liens. Les raisons professionnelles sous-jacentes n’enlèvent en rien le constat d’implications plus personnelles. L’Homme, grâce à la technologie, renoue avec sa condition d’animal social (chère à Aristote) et permet, le temps d’une crise, de fragiliser un autre virus, plus pernicieux encore, l’individualisme. Si la survie de cet écosystème dépend largement du courage décisionnaire de quelques-uns, elle repose essentiellement sur la capacité de chacun à collaborer au nom d’intérêts qui lui sont supérieurs. La mise à disposition de la culture à travers la technologie rappelle à cet effet que, si l’art renferme par essence des revendications individualistes, sa finalité réside dans l’accueil, le partage et l’adhésion collective qui en sera fait. Il en est de même avec la technologie.

Ainsi, la crise sanitaire actuelle exacerbe une crise profonde, celle de l’identité de l’Homme. Elle rejoint les réflexions sur l’IA, les objets connectés, la robotique ou encore la voiture autonome au sein desquelles la puissance créatrice de l’Homme est interrogée. Faut-il toujours aller plus loin sur l’IA et ses applications pour pallier d’insupportables limites humaines ? Loin de nier les nombreux et évidents avantages de cette technologie, il faut toutefois constater qu’elle fragilise toujours un peu plus l’Homme en tant qu’animal savant. La confiance en notre propre savoir ou en celle des autres est concurrencée par la confiance que nous octroyons à la technologie. Et si ce confinement, solution à la crise sanitaire, était également une occasion de réfléchir à cette crise de confiance ? La mise à disposition technologique de l’art et la culture oblige un comportement curieux de la part de l’intéressé. Autrement dit, une disponibilité à l’œuvre, donc à l’autre qui pourrait servir la redynamisation de notre intelligence collective.

Cette intelligence collective que l’on retrouve en creux des notions de solidarité et d’humanité, interroge. Elle exprime notre capacité à faire front et à se relever ensemble d’un état de santé global fragile. Une fragilité ontologique qui s’explique à la fois par une défiance envers la politique, une méfiance envers l’économie et une confiance toute relative envers l’humanité et donc … en l’avenir. Là encore, l’usage actuel des technologies numériques est très instructif. Cela ne concerne non moins la polémique autour du tracking réalisé en Corée du Sud ou en Chine pour discipliner les confinés que l’exploration qu’elles permettent dans le champ des possibles. En servant l’art et la culture et ce temps de pause forcé, ces plateformes prennent une dimension réflexive. En effet, ces œuvres, en exigeant l’attention de son intéressé, permettent à la fois de le replacer dans une continuité historique et de le redéfinir dans un rapport nouveau au monde. Visites de musées, écoute d’opéras, visionnage d’un film et lecture jouent le rôle de catalyseur. Le curieux, technologie à la main, s’offre un billet pour un voyage à travers le temps… En observant le passé, il comprend la complexité du temps présent et appréhende, à travers de multiples perspectives, le futur. Un voyage d’autant plus instructif qu’il permet, un temps donné, que la technologie ne serve plus seulement les fausses impressions de liberté mais bien plutôt l’inscription de la liberté de l’homme à travers la conquête de l’Humanité.

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