Le chant du coq

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Sylvain Pelletreau

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Avocat spécialisé en droit de l’environnement depuis plus de 15 ans, il conseille des industriels et des investisseurs pour les accompagner dans la gestion du risque industriel. Il intervient notamment en droit des installations classées, sites et sols pollués, déchets, émissions atmosphériques, eau. Après avoir exercé dans des cabinets renommés, Sylvain Pelletreau monte son cabinet en 2015, avant d’être coopté comme associé du cabinet Richelieu Avocats. Il est titulaire d’un DEA de droit de l’environnement (Paris I et Paris II, Panthéon-Sorbonne) et d’une maîtrise de carrières judiciaires (Paris II Assas).

, Sylvain Pelletreau

Symbole historique d’une France fière et précurseur, le coq aujourd’hui semble manquer de souffle pour annoncer l’aurore. Le Coronavirus n’a fait qu’amplifier un essoufflement structurel que la France a bien du mal à soigner. Un essoufflement par ailleurs très paradoxal puisqu’elle dispose sur son territoire des moyens nécessaires à son rétablissement. Au-delà de son aspect culturel qui en fait la première destination touristique mondiale, rappelons que l’excellence scientifique française attire autant qu’elle contribue au développement d’un écosystème innovant. Notre créativité entrepreneuriale nous classe parmi les pays les plus peuplés en start-up et PME. Notre territoire fait de nous la première puissance agricole de l’Union européenne. En se positionnant en gardienne des libertés individuelles, la France se pose en résistante aux dérives numériques. La France dispose en son sein de ses propres outils de redressement et de rayonnement qui lui permettront de retrouver un souffle ambitieux dans la construction du « monde d’après » : un tissu entrepreneurial innovant, une recherche dynamique et une légitimité reconnue dans l’orientation et l’encadrement des grands travaux d’avenir. Des performances françaises qui s’exprimeront d’autant mieux qu’elles bénéficieront d’une caisse de résonnance européenne stable et ambitieuse.

Le coq chantera la création française

Avec 3,1 millions de TPE/PME et pas moins de 10 000 startups, l’écosystème français est animé par une forte dynamique entrepreneuriale. Hormis un cadre légal plus souple qui pourrait expliquer cette tendance, la France peut légitimement s’enorgueillir de disposer sur son territoire d’un esprit entrepreneurial ardent et innovant. Il est marqué par un besoin certain de lier une quête de sens individuel à un projet de société ; par une envie forte d’inscrire des convictions personnelles aux mutations du monde contemporain et par des capacités reconnues à mettre en œuvre ces réflexions de rupture. Dans la mise en œuvre, on retrouve tous les écueils à la pérennisation de cet outil créatif : si l’Etat soutient la création et le développement de ces entreprises, il fait défaut dans leur phase de déploiement. Le coup de boost nécessaire manque parfois : que ce soit dans la nécessaire simplification administrative, l’accompagnement financier et la commande publique, entres autres. Cela mène soit à l’expatriation de la structure entrepreneuriale, soit à sa disparition. Si l’enjeu d’un Small Business Act français ou d’un Nasdaq européen n’est pas nouveau, il devient aujourd’hui un besoin impérieux et vital alors que la crise sanitaire fait craindre la disparition de plusieurs milliers de PME et de start-ups. Cet enjeu devra nécessairement s’appuyer sur une autre performance, la recherche, qui – faut-il le rappeler – donne le ton des innovations à réaliser.

L’excellence scientifique française confirme chaque année son rayonnement international. Que celle-ci se matérialise par l’implantation sur notre territoire des laboratoires de recherche d’entreprises comme Ericsson, Facebook, Fujitsu ou Samsung, par la reconnaissance financière et intellectuelle de nos chercheurs à l’étranger ou encore par le très bon classement international de nos entités de recherche, elle rappelle l’impérieuse nécessité de mettre à l’honneur chercheurs-entrepreneurs et industriels. Dans une ère qui est portée par l’innovation technologique et la précarité du nouveau, la connaissance demeure l’un des rares biens durables dont la monétisation est révélatrice du caractère précieux. A l’instar de ce qui est fait aux Etats-Unis, en Chine ou en Israël où la recherche établit un lien entre les mondes civil et militaire, la France doit continuer ses efforts de décloisonnement afin que l’intelligence qui la personnalise ne devienne pas une intelligence qui la paralyse. Des efforts d’autant plus impérieux qu’elle dispose, en sa qualité de que 7ème puissance économique mondiale, parmi les plus influentes du monde, de l’autorité nécessaire pour encadrer et orienter les grands axes d’avenir.

Le projet européen de marché unique numérique démontre la pertinence de l’influence française. Parmi les leviers de transformation nécessaires à ce projet, la protection et la sécurisation des données personnelles et industrielles est centrale. Faut-il rappeler que la France, dès 1978, fut précurseur dans ce domaine avec la loi dite Informatique et libertés ? Faut-il par ailleurs souligner son activisme lors de la tenue sur le sol français du Forum des Nations Unies sur la gouvernance de l’Internet (novembre 2018), du Data for Good et plus récemment du Forum International de la Cybersécurité à Lille (janvier 2020) ? Nos ambitions s’accompagnent d’une réelle supériorité dans ce domaine[1] que nous revendiquons, par ailleurs avec le projet de campus cybersécurité[2].

Le coq chantera sa relance industrielle

La France a tous les atouts pour réussir. Elle doit néanmoins revisiter un certain nombre de postulats si elle veut faire retentir internationalement le chant de ce coq qu’elle a choisi comme emblème. Il est aujourd’hui beaucoup question de retour à la souveraineté et à la relocalisation des industries perdues. Mais de quelle souveraineté parlons-nous ? Comment la France va-t-elle relancer son industrie ? Avons-nous réellement vocation à relocaliser (en réalité rapatrier) l’ensemble des industries disparues de son territoire, même celles dont nous regrettons l’absence en cette période de crise sanitaire ?

La France n’aurait-elle pas intérêt à identifier les secteurs sur lesquels elle est la plus légitime ? Pourquoi ne pas miser sur nos secteurs d’excellence ? Il n’est pas opportun de produire en France des biens que nos voisins savent bien mieux produire que nous. Il serait préférable qu’elle impose son savoir-faire dans les segments stratégiques où elle excelle. Une telle politique de redéploiement industriel passerait nécessairement par un grand concordat entre le pouvoir central et les collectivités en charge d’accueillir les industries sur leur territoire. On imagine en effet difficilement qu’un gouvernement puisse déployer sa politique industrielle sans une coordination étroite avec les acteurs locaux. Ils sont les décideurs finals et les partenaires de l’épanouissement des acteurs économiques sur leurs territoires.

La voix de la France portera évidemment par elle-même, mais aussi à travers son influence au sein de l’Union Européenne, laquelle est plus que jamais fragilisée.  Depuis sa quasi-implosion lors de l’épisode de la dette grecque en 2008, elle est aujourd’hui menacée par les divergences profondes entre les pays de la bière – peu endettés – et les pays du vin – très endettés. Il s’agit là de deux conceptions antagonistes du modèle économique et social que l’Europe doit porter. Outil initialement conçu pour la paix, l’Union européenne est aujourd’hui devenue un forum de querelles au point qu’elle en perd le sens même d’Union, lui préférant celui d’agrégation d’antagonismes. Forte de ses ambitions retrouvées et d’une feuille de route claire, la France doit soutenir la réforme de l’Union européenne afin qu’elle renoue avec la mission pour laquelle cette dernière a été conçue : un outil de paix au service de l’épanouissement de ses citoyens. Pour cela, l’Union devra probablement se défaire d’un certain nombre des réflexes qui en ont fait aujourd’hui davantage un vecteur de contraintes qu’une source de développement. Le refus de la fusion entre le français Alstom et l’allemand Siemens début 2019 reste un souvenir amer : la création de géants industriels ne doit pas être l’apanage des Etats-Unis ou des Chinois…

La France doit se saisir de cette crise sanitaire pour revoir le mode de fonctionnement même de l’Union Européenne car elle aura besoin de souplesse et d’efficacité. Construite sur une base multilatérale, l’Europe pèche aujourd’hui par un défaut de plurilatéralisme. Est-il en effet pertinent que tout se fasse à 27 ? Il est singulier de constater que, à l’issue même du Brexit et à l’heure où l’on parle encore d’élargissement de l’Union à l’Albanie, ce sont quasiment systématiquement des couples (franco-allemand ; italo-anglais, etc.), des trios ou des quatuors qui émergent des crises. Ne serait-ce pas là le signe d’une nécessaire révision d’un système multilatéral vers un système plurilatéral ? Des questions qui trouveront certainement leurs réponses dans une réforme de la réglementation et d’une redéfinition d’un projet européen commun. La France y retrouvera la place fière et ambitieuse qui lui revient.

Le moment dramatique que nous vivons est certainement le plus propice pour une révision des institutions – européennes notamment – qui nous dirigent. A défaut, nous risquerions de rentrer plus encore dans une crise de méfiance déjà largement entamée.

[1] Guillaume Poupard, Directeur Général de l’ANSSI, lors du FIC à Lille.

[2] Mission donnée par le Premier Ministre à Michel Van Den Berghe, DG d’Orange CyberDéfense. Celui-ci a remis son rapport le 7 janvier 2020. Pour connaître ce projet : https://www.ssi.gouv.fr/agence/cybersecurite/un-campus-dedie-a-la-cybersecurite/

 

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Sylvain Pelletreau

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Avocat spécialisé en droit de l’environnement depuis plus de 15 ans, il conseille des industriels et des investisseurs pour les accompagner dans la gestion du risque industriel. Il intervient notamment en droit des installations classées, sites et sols pollués, déchets, émissions atmosphériques, eau. Après avoir exercé dans des cabinets renommés, Sylvain Pelletreau monte son cabinet en 2015, avant d’être coopté comme associé du cabinet Richelieu Avocats. Il est titulaire d’un DEA de droit de l’environnement (Paris I et Paris II, Panthéon-Sorbonne) et d’une maîtrise de carrières judiciaires (Paris II Assas).

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