Un bug humain aux allures anachroniques

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Une photo illustrant l’accord entre HEC et l’Institut polytechnique de Paris a fait réagir. En cause ? L’absence de femme sur le cliché.

Cette photo ne vous aura sûrement pas échappé : huit hommes « cloniques » signant un accord entre HEC et l’Institut polytechnique de Paris, dont la mission est de faire rayonner notre pays. Une concordance évidente entre ces hommes et une image unimodale du décideur qui interpellent. Aucune manifestation d’étonnement ou de gêne se lit sur les visages de ces individus armés (on espère) de bonnes intentions. Et pourtant, force est de constater que cette scène fait réagir. Où sont les femmes ? Où est la diversité ? Quelles sont les causes d’une telle erreur indélicate et anachronique ? Un bug véritablement… humain !

On ne le dira jamais assez : la pluralité des visions alimentée par une certaine diversité est un catalyseur pour enrichir une idée, un produit, une loi, voire un algorithme ! On ne parle pas ici de politiquement correct mais bien de pragmatisme. Loin d’imaginer une diversité parfaite inspirée d’une certaine démagogie, il faut envisager une diversité exemplaire qui ferait tomber les stéréotypes, et qui deviendrait son propre catalyseur. Le niveau de diversité augmenterait alors de façon exponentielle avec le temps. Certains avancent que la compétence, et elle seule, est mise en avant sur cette photo. C’est oublier deux choses importantes : les critères d’évaluation de ces compétences, ainsi que leurs appréciations. Les valeurs républicaines de notre pays construisent une société où chacun peut trouver sa place. Certains diront qu’il faut prendre sa place et non qu’on nous la donne. C’est faire fi des inégalités des chances et des opportunités selon le genre, la classe sociale ou encore les origines culturelles.

Pourquoi personne ne s’est-il rendu compte de l’anachronisme de cette mise en scène ?

Contrairement à l’image véhiculée par cette photo, il existe aussi des hommes qui souffrent de la stigmatisation et d’une culpabilité systémique de l’homme blanc, hétérosexuel, judéo-chrétien et senior. Ce sont des hommes oubliés qui voient leur niveau de souffrance inversement proportionnel à leur position sur l’échelle sociale. Ils se retrouvent en réalité dans une situation comparable aux femmes oubliées de cette photo qui, malgré leur appartenance à une quelconque élite intellectuelle, ne sont pas aidées. Une mise en abyme s’impose : la diversité est plurielle et polymorphe.

La réponse n’est ni dans l’accusation féroce contre les hommes de cette photo qui ne pensaient pas faire mal ni dans la banalisation effrayante de cette erreur au nom d’un certain antiféminisme. On aurait pu imaginer faire signer cet accord aux côtés d’étudiants féminins et masculins par exemple. Il est aujourd’hui critique d’analyser les raisons pour lesquelles personne ne s’est aperçu de l’anachronisme de cette mise en scène, ainsi que les causes d’une pluralisation encore trop lente de ces dirigeants. Au risque de déplaire à ceux qui attaquent la politique des quotas, les quotas stricto sensu sont paradoxalement et d’une certaine manière anticonstitutionnels, ce qui se fait est en réalité légèrement différent. S’engager dans une politique d’action positive (affirmative action en anglais) permet d’atteindre des objectifs en termes de mixité, par une revalorisation ciblée des individus, des parcours et des institutions pour donner les mêmes chances à tous. Il est temps de donner raison à Fernand Braudel, « La France se nomme diversité ».


Publié dans le Point

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