Smic, loyers, impôts, déficits… : des idées fausses aux décisions absurdes

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Nous apprenons par essai et erreur. Ce processus fondamental est la façon dont, depuis notre enfance, nous progressons tous : le constat de l’échec d’une action comparé à l’objectif initial nous permet de rectifier le tir. Pour les organisations complexes telles que l’Etat, ce processus d’apprentissage est apparemment beaucoup plus difficile.

Les chercheurs américains Argyris et Schön ont proposé la notion d’apprentissage en simple et double boucles pour décrire ces ratés cognitifs où les échecs se répètent. Admettons que nous croyions que danser fait pleuvoir. L’apprentissage en simple boucle nous fera recommencer notre danse si la pluie persiste à ne pas tomber, car nous penserons que nous avons mal dansé. La double boucle, qui remet en cause le postulat initial de notre action, nous conduira en revanche à comprendre que danser n’a aucun rapport avec la pluie. Nos dirigeants semblent souvent enfermés dans le premier modèle de raisonnement. Limitant en pratique l’évaluation réelle de l’effet de leurs actions passées, ils parviennent peu à comprendre pour quelles raisons ils ont échoué. Ils répètent alors inlassablement leurs erreurs en développant les mêmes stratégies.

En France, les idées fausses sur le fonctionnement économique pullulent sans que nous ne parvenions à les remettre en cause.

Encadrement des loyers. On croit ainsi qu’encadrer les loyers permettrait de faciliter l’accès à des logements. Sans voir que le blocage des prix n’a jamais permis de régler le problème de la faiblesse relative de l’offre face à la demande (il l’aggrave toujours au contraire).

On croit que freiner les licenciements protégerait les salariés. Sans voir que cela ne fait qu’empêcher les embauches et alimenter un tragique dualisme du marché du travail entre insiders et outsiders.

On croit qu’un salaire minimum élevé limite la pauvreté, alors qu’il exclut impitoyablement de nombreuses personnes de l’emploi.

On croit que baisser le temps de travail permet de le répartir, quand il diminue simplement la richesse créée.

On croit que taxer les riches serait la meilleure façon de dégager des ressources pour venir en aide aux pauvres. Sans voir la perte d’énergie et de ressources due aux départs,.

On croit enfin qu’un budget de l’Etat plus élevé est toujours synonyme d’intérêt collectif, sans comprendre les ravages sur l’activité des prélèvements qu’il implique et le gâchis immense de ressources qui auraient été mieux utilisées par leurs propriétaires légitimes.

Face à ces croyances fortement enracinées, le manque de résultats ne se traduit jamais que par une seule réponse : plus de contraintes, plus de taxes, plus d’interventionnisme. Face à l’inefficacité de l’action étatique, il se trouve toujours des gens pour soutenir qu’il suffirait de l’étendre. Einstein disait : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent »…

Difficile de ne pas penser à ces décisions absurdes dont le mécanisme a été si bien décrit par Christian Morel dans des cas aussi divers que des accidents maritimes, des erreurs médicales ou des lancements de fusée. L’échec est moins dû à une erreur d’analyse qu’à un enfermement cognitif collectif qui cantonne à un répertoire d’actions stéréotypées. Les solutions que Morel préconise mériteraient d’être mise en pratique par notre appareil public : formation au facteur humain dans les décisions, place accrue aux débats contradictoires, droits à l’expérimentation… Ainsi l’Etat commencerait-il à apprendre au lieu de bégayer.

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