Ne confondons pas égalité et parité

AUTEUR DE LA PUBLICATION

 

En proposant, lors du récent Women’s Forum America à Mexico, de porter à 50 % les quotas de femmes existant dans tous les domaines, la secrétaire d’Etat en charge de l’égalité fait prendre une néfaste tournure à l’utile combat dont elle a la charge.

Dans The Blanck Slate, Steven Pinker dénonce la négation de la nature humaine sur laquelle notre société est désormais construite. Cette vision de l’être humain est battue en brèche par les progrès de la biologie évolutionniste. Vouloir que les sexes soient répartis de façon parfaitement régulière dans toutes les professions est fondé sur un fantasme de tabula rasa. Il suppose implicitement que les répartitions non paritaires seraient nécessairement et uniquement la conséquence de formes de discriminations ou de pressions de la société. Jamais d’intérêts différenciés.

Si les filles sont surreprésentées en cursus de lettres, est-ce en raison d’une exclusion dont souffriraient les garçons ? Ou bien plutôt d’un choix éclairé et responsable dicté par des goûts particuliers ? On peut concevoir que les inclinations naturelles des sexes soient différentes sans que cela n’ôte rien à leur égalité. James Damore, cadre chez Google, avait osé briser un tabou en mettant en doute la pertinence des politiques de parité passant par d’intensives discriminations positives. Il a suggéré avec mille précautions que « les différences de distribution de certains traits entre hommes et femmes pourraient partiellement expliquer pourquoi nous n’avons pas 50 % de représentation féminine dans les secteurs techniques […] ». Son argument était que les jeunes filles, souvent meilleures dans plus de domaines scolaires que les garçons, avaient plus de choix et se tournaient « naturellement » (je tremble en écrivant ce mot) plus vers les métiers liés à la relation.

Dans le cas de l’égalité des sexes, la fiction de la table rase de la nature humaine finit par mener à des mesures contre-productives qui jouent contre la vraie libération de la femme

Mauvaise foi. Grâce à la foudroyante puissance d’amplification des réseaux sociaux, l’infortuné Damore a fait l’objet d’un déchaînement mondial de critiques. Ses propos ont été déformés avec la plus grande mauvaise foi. Il a finalement été démis de ses fonctions pour avoir « perpétué des stéréotypes de genre nuisibles ». Le politiquement correct ne souffre aucune transgression.

Pinker souligne que la nature humaine est fébrilement niée parce qu’elle semble remettre en cause l’égalité des individus. Mais c’est au contraire, souligne-t-il, l’idée que l’esprit n’a aucun trait inhérent qui a été utilisé par les totalitarismes communistes pour justifier les « redressements » des individus : si l’homme est entièrement culturel, alors il suffit de changer la culture pour changer l’homme. Dans le cas de l’égalité des sexes, la fiction de la table rase de la nature humaine finit par mener à des mesures contre-productives qui jouent contre la vraie libération de la femme.

Outre le cas des professions très féminines, comme les sages-femmes, où il faudrait logiquement imposer 50 % d’hommes, les quotas réduisent la femme à son sexe et créent un soupçon sur celles qui réussissent. Ce dernier problème est clairement perceptible dans le cas de l’affirmative action américaine, où des patients refusent couramment de se faire opérer par une personne appartenant à une minorité ethnique dont on sait qu’elle bénéficie du système de discrimination positive…

Au lieu de quotas stupides, continuons à œuvrer pour que toutes les portes professionnelles soient ouvertes à chacun, quels que soient son sexe ou ses origines, selon ses capacités et ses désirs.


Publié dans L’Opinion

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