La pharmacie survivra-t-elle au numérique ?

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Erwann Tison

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Erwann Tison est le directeur des études de l’Institut Sapiens. Macro-économiste de formation et diplômé de la faculté des sciences économiques et de gestion de Strasbourg, il intervient régulièrement dans les médias pour commenter les actualités liées au marché du travail, aux questions de formation et aux problématiques européennes. Il est également chargé de cours à la faculté d'économie de l'Université de Strasbourg. Il codirige également les observatoires "santé et innovation" et "emplois, formation et compétences" de l'Institut Sapiens. Il a publié « les robots, mon emploi et moi » (2019) et « un robot dans ma voiture » (2020) aux éditions ESKA.

Erwann Tison

Comment le métier de pharmacien doit-il évoluer pour survivre face à la révolution numérique ? Les officines résisteront-elles à l’arrivée des GAFA et des BATX sur le marché de l’e-santé ? Des questions qui agitent aujourd’hui la profession de pharmaciens, dont les représentants étaient réunis le vendredi 12 janvier, pour le colloque Club Vision Pharma, organisé par Giphar et Les Echos, au cours duquel l’Institut Sapiens est intervenu.

A l’image de l’industrie qui est entrée dans ce que Rifkin définissait comme son troisième âge, la pharmacie doit elle aussi faire sa révolution. Pour Olivier Babeau, Président fondateur de l’Institut Sapiens, ce troisième âge doit être celui où le pharmacien devient un intermédiaire de santé polyvalent, le dernier maillon et sans doute le plus important, de la chaîne de santé.

Commerce de proximité, intermédiaire de confiance, garantie de qualité des produits vendus : la pharmacie détient de nombreux atouts. Chaque jour ce sont ainsi 5 millions de personnes qui poussent la porte d’une pharmacie, soit autant que dans toute la grande distribution.

Néanmoins, malgré cet ancrage territorial, on estime qu’à l’heure actuelle une pharmacie ferme ses portes tous les 2 jours. Une évolution qui risque s’amplifier sous l’effet de la vague numérique.

 

Il est très difficile d’estimer l’impact futur d’une technologie sur notre société.  Qui aurait pu imaginer il y a 10 ans que l’on consulterait plusieurs dizaine de fois par jour notre boîte mail ? Qui aurait pu imaginer il y a 15 ans la place du smartphone sur nos vies ? A titre d’exemple, en 1992, le Président Clinton avait réuni tout un panel d’experts dans le but de prévoir de quoi serait fait le futur. Aucun n’a cité internet. 4 années plus tard, on comptait plus de 45 millions d’internautes.

Même s’il est difficile de se livrer à l’exercice hasardeux de la prévision, on peut analyser des mouvements de fond et en tirer des enseignements.

Par exemple, l’étude réalisée en mai 2017 par des chercheurs de Yale et Oxford estime que l’intelligence artificielle sera capable d’assurer la vente au détail dans moins de 15 ans.

Qui imagine alors que les GAFA et les BATX qui investissent des milliards d’euros dans le développement de l’intelligence artificielle (IA), ne se seront pas alors introduits sur le marché de la vente de médicaments ? Vous pourrez alors vous faire livrer à votre domicile les médicaments dont vous avez besoin, sélectionnés par une IA.

Quand l’IA remplacera l’humain – courrier international

La médecine du future s’articulera autour des « 4P » : la prédiction des risques d’une maladie sur l’organisme, la prévention (la médecine deviendra l’art de sauvegarder le capital santé), la participation du patient en l’incluant dans son parcours de soin et enfin la personnalisation en offrant des soins spécifiquement adaptés à son profil, à ses besoins et à ses attentes.

Ce dernier volet n’est d’ailleurs pas propre au domaine de la santé : chaque secteur souhaitant survivre à la digitalisation devra proposer à ses clients une expérience de personnalisation pour apporter une plus-value à son service.

Pour résister à la vague du numérique, la pharmacie comme tout autre secteur doit adopter le triptyque simplicité, utilité et hybridation.

  • La simplicité repose sur la compréhension du monde dans laquelle on évolue. Une entreprise ou une officine qui proposerait un service trop complexe et illisible à ses usagers se retrouverait alors exclu du marché par manque de débouchés.
  • L’utilité est la correspondance entre les attentes des clients et l’offre de l’entreprise. Cette dernière devra également réaliser des anticipations sur les futurs besoins de ses clients pour ne pas risquer de se retrouver en décalage par rapport aux attentes.
  • L’hybridation correspond à la coexistence entre deux technologies ou supports d’un produit. Malgré l’invention de la télévision en 1923, la radio continue d’exister contrairement aux craintes d’alors. De même, malgré l’existence de YouTube, on continue de se rendre aux concerts. La Fnac quant à elle, propose un service de vente en ligne qui est complémentaire à ses magasins physiques. Un exemple dont les pharmacies devraient s’inspirer en ne tournant pas le dos à la présence sur internet, mais en proposant un service complémentaire pour assurer leur survie. La collecte et la maîtrise des données de santé seront évidemment des éléments essentiels du rapport que les officines devront entretenir avec leurs clients.

 

L’avenir de la pharmacie passera donc à la fois par l’affirmation de son rôle prépondérant de prestataire de service de proximité et de conseils, et par le développement de nouvelles tâches, comme la vaccination, un meilleur suivi médical du patient et en développant tous les volets de la santé connectée. Bien évidemment, la réussite d’une telle révolution dépend principalement de l’adaptation du cadre législatif et réglementaire en vigueur. C’est ainsi que l’on pourra alors faire émerger la profession de pharmacien du XXIe siècle : un professionnel délivrant un service de proximité hyper-personnalisé

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Erwann Tison est le directeur des études de l’Institut Sapiens. Macro-économiste de formation et diplômé de la faculté des sciences économiques et de gestion de Strasbourg, il intervient régulièrement dans les médias pour commenter les actualités liées au marché du travail, aux questions de formation et aux problématiques européennes. Il est également chargé de cours à la faculté d'économie de l'Université de Strasbourg. Il codirige également les observatoires "santé et innovation" et "emplois, formation et compétences" de l'Institut Sapiens. Il a publié « les robots, mon emploi et moi » (2019) et « un robot dans ma voiture » (2020) aux éditions ESKA.