Europe : 60 ans après Rome, stop aux intox !

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Erwann Tison

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Erwann Tison est le directeur des études de l’Institut Sapiens. Macro-économiste de formation et diplômé de la faculté des sciences économiques et de gestion de Strasbourg, il intervient régulièrement dans les médias pour commenter les actualités liées au marché du travail, aux questions de formation et aux problématiques européennes. Il est également chargé de cours à la faculté d'économie de l'Université de Strasbourg. Il codirige également les observatoires "santé et innovation" et "emplois, formation et compétences" de l'Institut Sapiens. Il a publié « les robots, mon emploi et moi » (2019) et « un robot dans ma voiture » (2020) aux éditions ESKA.

Erwann Tison

À l’occasion du 60e anniversaire de la signature des Traités de Rome, il convient de corriger certaines contre-vérités sur l’Europe véhiculées par les eurosceptiques.

Le 25 mars 1957, la France, l’Italie, l’Allemagne et le Benelux signent deux traités à Rome. Le premier va instaurer la Communauté européenne de l’énergie atomique et le second la Communauté Économique Européenne. Le début d’une belle histoire.

Malheureusement, 60 ans plus tard, l’Europe est devenue la cible préférée des représentants politiques français, préférant se dédouaner en surfant sur la méconnaissance des citoyens de nos institutions européennes, plutôt que de réaliser l’effort pédagogique nécessaire à la compréhension de leurs fonctionnements. L’assertion « c’est la faute à Bruxelles » est l’équivalent politique du « chat perché », ou du diagnostic du malade imaginaire (puisque Molière revient à la mode) « le poumon, le poumon, vous dis-je » comme unique réponse à notre mal-être économique.

L’Europe prône l’austérité

C’est un argument entendu dans cette campagne présidentielle. « L’Europe » serait uniquement animée par la volonté d’imposer une rigueur économique et sociale aux peuples. En économie, l’austérité désigne soit une politique visant à ralentir la demande pour limiter les risques inflationnistes, soit une politique visant à réduire les déficits et la dette, pour les ramener à zéro. Or c’est aujourd’hui tout l’inverse qui se produit.

La Banque Centrale Européenne a déployé depuis mars 2015 une politique dite de « Quantitative Easing« , qui consiste, pour faire simple, à injecter chaque mois des dizaines de milliards d’euros dans le circuit économique, pour soutenir la demande et ainsi relancer la consommation et l’inflation. En 2 ans, ce sont ainsi plus de 1680 milliards d’euros qui ont été injectés par la Banque Centrale Européenne.

Le pacte de stabilité et de croissance quant à lui, incite à ne pas dépasser un déficit public de 3 % et une dette de 60 % du PIB. Même si elle appelle à la responsabilité dans la gestion des deniers publics, la Commission autorise donc les États à creuser leurs déficits jusqu’à 3 %, notamment pour développer les investissements publics. En novembre dernier, elle a même appelé les gouvernements à augmenter leurs dépenses publiques de 0,5 % de leur PIB pour relancer la croissance (un appel qui n’était pas destiné aux pays connaissant déjà un déficit important à savoir la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et bien sûr la France).

Les politiques combinées de relance par la demande et d’autorisation de déficit public sont donc tout simplement antinomiques avec l’idée selon laquelle « l’Europe » souhaiterait mettre en place une austérité accrue.

L’Europe organise la concurrence entre États

Depuis la mise en place du « semestre européen » en 2014, la Commission Européenne réalise chaque année des préconisations à destination des États membres pour s’assurer qu’ils déploient des politiques cohérentes entre eux. Elle cherche à faire converger les politiques économiques en incitant à adopter le même taux d’imposition sur les sociétés, à réagir de la même façon dans la protection contre le chômage, à harmoniser leurs systèmes de protection sociale, etc. Ces recommandations personnalisées sont réalisées de manière annuelle par la commission aux États membres, donc si elles ne sont pas déployées ou qu’il réside une concurrence entre eux, c’est par manque de volonté des gouvernements locaux, ce n’est pas la « faute à l’Europe ».

L’Europe nous coûte cher

C’est un des arguments avancés pour en sortir. Chaque année, la France cotise 21 milliards EUR à l’Union européenne et reçoit 13,5 milliards EUR, au titre notamment de la PAC et des fonds structurels. Pour formaliser, on pourrait dire que l’appartenance à l’Union européenne « coûte » chaque année 114 EUR à chaque Français, soit 9,5 EUR par mois. Pour le prix d’un steak-frites, les Français peuvent donc voyager librement dans 27 pays étrangers, importer des produits communautaires sans droits de douane, travailler dans le pays européen de leur choix ou encore téléphoner à tous leurs concitoyens européens gratuitement, grâce à la fin prochaine du roaming. Un investissement moindre au regard des gains, contrairement à ce que voudraient nous faire croire certains nationalistes.

L’Europe ne sert à rien

Là encore, c’est faux. Citons le programme Erasmus qui a profité à 5 millions de personnes en 30 ans et dont l’intérêt n’est aujourd’hui plus à prouver. Citons également le Fonds Social Européen, qui en 60 ans, a aidé des centaines de milliers de projets portant sur l’emploi, l’éducation et la solidarité.

Et comment ne pas citer le Français le plus célèbre du moment, Thomas Pesquet, qui gravite au-dessus de nos têtes et fait rayonner notre pays à travers l’espace, grâce à l’agence spatiale européenne et qui ne serait jamais parti sans la présence de la France au sein de l’Union européenne ?

L’Europe, celle de la paix, de la coopération politique et économique, fête aujourd’hui ses 60 ans. Si elle n’est pas prête à prendre sa retraite, il convient de la respecter. Même si elle est encore imparfaite, il vaut mieux essayer de la changer, de l’améliorer, plutôt que de la calomnier, c’est la meilleure recette pour éviter de l’enterrer prématurément.

 


Publié dans Les Echos

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Erwann Tison est le directeur des études de l’Institut Sapiens. Macro-économiste de formation et diplômé de la faculté des sciences économiques et de gestion de Strasbourg, il intervient régulièrement dans les médias pour commenter les actualités liées au marché du travail, aux questions de formation et aux problématiques européennes. Il est également chargé de cours à la faculté d'économie de l'Université de Strasbourg. Il codirige également les observatoires "santé et innovation" et "emplois, formation et compétences" de l'Institut Sapiens. Il a publié « les robots, mon emploi et moi » (2019) et « un robot dans ma voiture » (2020) aux éditions ESKA.

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