Désuète liberté

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Le triste constat s’impose : la liberté n’intéresse plus grand monde. Bien qu’elle s’affiche encore aux frontons de nos monuments au titre du triptyque des valeurs républicaines, elle est en pratique sortie des esprits. Pire, c’est elle qui est en filigrane désignée comme la responsable de la plupart des maux. La liberté n’est pas seulement une valeur passée de mode. Elle est en fait activement combattue.

On cherchera en vain, dans les cahiers de doléance, l’appel au laisser-faire, la protestation contre l’étreinte réglementaire. Tout au plus y souhaite-t-on l’arrêt de l’étouffement fiscal, mais ce n’est que pour mieux insister sur la nécessité de faire payer les plus riches que soi. Aucun homme politique n’en fait un thème de campagne. On préfère parler protection, solidarité, répartition, punitions et répression fiscales. On est sidéré de la façon dont l’écologie militante promeut, au nom de la sauvegarde de la planète, un train de mesures liberticides qui aurait mis Staline en extase. Le site Novethic.fr a publié la liste des mesures à prendre pour « s’aligner sur une trajectoire 1,5°C ». Elles feraient de la Corée du Nord, par comparaison, un aimable rassemblement hippie. Parmi les ébouriffantes idées, citons entre autres : « interdiction de vendre des véhicules neufs pour un usage particulier », « généralisation du télétravail 2 jours par semaine (…) pour tout salarié habitant à plus de 10km de son travail » (très simple pour un ouvrier, le télétravail), « habitat maximal par habitant de 30m2 », « couvre-feu thermique entre 22h et 6h », « interdiction de la publicité en ligne intégrée aux sites internet », « limitation à 1kg de vêtements neufs mis sur le marché par an et par personne dès 2022 », « interdiction de tout vol hors Europe non justifié dès 2020 », « autorisation de deux vols aller/retour long courrier par jeune de 18 à 30 ans », etc.

Même si le site souligne qu’il ne s’agit que d’une expérience de pensée destinée à prendre la mesure de l’urgence, le simple fait de formuler de telles idées est symptomatique d’une conviction bien ancrée chez nos khmers verts : il n’y a de salut que par la collectivisation, la centralisation soviétoïde, la décroissance et plus généralement la fin des libertés les plus élémentaires. Pour notre bien, évidemment. Les nouveaux habits du totalitarisme sont verts. Il ne s’agit plus seulement de critiquer le capitalisme, mais plus fondamentalement d’en finir avec le libre-arbitre, perçu comme la cause essentielle d’une fin du monde proche. La solution est un encadrement de tous les comportements. Le plus étonnant est que sur les réseaux sociaux, ce genre d’effarant projet rencontre un soutien très important. Toute critique déchaîne diverses formes de réponses violentes autour de l’idée « que nous l’avons bien mérité » et « qu’il n’y a pas d’alternative », et dans certains cas extrêmes le commentateur expliquera que ce que l’humanité a de mieux à faire serait de disparaître purement et simplement. A la divinisation de la nature correspond un mépris revendiqué de la personne humaine. Hier on justifiait l’élimination des individus au nom du peuple.

Aujourd’hui on la souhaite au nom de Gaïa. Le résultat, en termes de charniers, de famines et d’horreurs en tous genre, n’est que trop connu. Jean-François Revel avait écrit avec clairvoyance : « La longue tradition des œuvres des utopistes atteste une vérité : la tentation totalitaire, sous le masque du démon du Bien, est une constante. Elle y a toujours été et y sera toujours en conflit avec l’aspiration à la liberté. »

AUTEUR DE LA PUBLICATION