De la grève à la SNCF à la « Grève »

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Il est donc revenu le temps des grèves, perlées ou non, celui des arrêts de travail soigneusement calibrés pour déranger le plus grand nombre de monde. La grève, c’est entendu, fait partie des droits sociaux les plus sacrés. Mais songe-t-on assez à ce qu’elle signifie vraiment ?

Faire grève, c’est défendre son droit de propriété. C’est invoquer autrement dit son droit le plus inaliénable à résister à la contrainte, à utiliser son énergie et son temps de la façon qu’il nous plaît. Nul ne peut être obligé de travailler, car c’est la définition même de l’esclavage. Les cheminots qui défendent leur statut aux avantages stupéfiants ou les pilotes qui réclament une augmentation de salaire de 6 % (quand l’augmentation moyenne des salaires des Français en 2018 sera de 0,8 % selon l’OCDE) mesurent-ils que les usagers et clients que nous sommes pouvons, au nom du même droit de grève, réclamer avec autant de légitimité qu’on en finissent avec les avantages exorbitants financés par le système ?

Un privilège est, par définition, un avantage payé par d’autres. Dans la culture française héritée de l’Ancien régime, il n’y a rien de plus normal qu’une rente. On n’a pas encore compris qu’une subvention n’est pas un cadeau tombé du ciel, comme la manne du désert apportée au peuple hébreu. C’est la manifestation tangible d’un détournement du travail de ceux à qui les fonds ont été prélevés, au profit de ceux qui ont eu l’habilité de justifier sa captation, le plus souvent grâce à leur proximité avec le pouvoir. Une rente n’est rien d’autre qu’une forme de spoliation réalisée aux dépens d’autrui. L’Etat est, pour des raisons électoralistes mais pas seulement, un grand organisateur de rentes habilement noyées dans la quantité colossale des transferts et services collectifs auxquels il préside.

Nous sommes tous fondés à invoquer avec force, nous aussi, notre droit de retrait face à un système qui nous impose des prélèvements sans cesse plus importants sur la valeur créée par notre travail (notre propriété donc), afin d’abonder, par des canaux dont la complexité voudrait nous faire perdre de vue la vraie nature, les privilèges de certains. A la grève de ceux qui défendent leurs avantages, nous serions fondés à opposer notre propre grève de contributeurs forcés. A la rébellion de ceux qui souhaitent conserver l’accès privilégié à une redistribution inique devrait correspondre notre propre rébellion de moutons maintes fois tondus qui refusent d’en donner plus.

C’était bien le sens du roman d’Ayn Rand, Atlas Shrugged, traduit en français sous le titre La Grève (éd. Les Belles Lettres), qui a connu un immense succès partout… sauf en France. Dans cette fiction écrite dans les années 1957 qui rappelle furieusement la société d’aujourd’hui, les créateurs, entrepreneurs, actifs et autres âmes de l’économie, décident de faire sécession. Ils quittent un système qui leur impose, au nom d’une solidarité hypocrite, de travailler au service des autres sans en recevoir ni rémunération ni même reconnaissance.

Oui, Marx avait raison, ce bras de fer impitoyable où des dizaines de milliers de Français sont utilisés contre leur gré pour faire plier le gouvernement est une lutte pour le partage de la valeur ajoutée (autrement dit celui de la richesse créée). Mais l’exploiteur est-il le client, qui a besoin de se déplacer pour pouvoir espérer travailler, ou bien celui qui défend son accès exclusif à des avantages financés par d’autres ? Le droit de grève, finalement, doit être mis en regard du consentement à l’impôt, qui est un principe pas moins sacré.

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