COP 24 : chronique d’un échec annoncé

AUTEUR DE LA PUBLICATION

La COP24 a eu lieu à Katowice en Pologne du 3 au 14 décembre 2018. Comme pour les deux versions précédentes qui s’étaient tenues à Bonn et Marrakech, son but était de concrétiser les Accords de Paris en apportant des solutions concrètes et davantage de visibilité sur les financements. Comme pour les deux versions précédentes elle s’est soldée par un échec annoncé. Le texte final est plus que décevant et la plupart des « points qui fâchent » restent irrésolus. En particulier, les mécanismes de taxation du carbone ont été une fois encore escamotés.

Katowice est situé au centre du principal bassin charbonnier Polonais. 100000 travailleurs locaux y sont employés.  Avec l’Allemagne, la Pologne reste le pays le plus charbonnier et le plus émetteur de l’Union Européenne avec 90% d’électricité charbonnière. Ce choix apparaît donc plus que surprenant. Provocation, inconscience ou angélisme? Peut-être les organisateurs espéraient-ils faire changer d’avis les mineurs sur la portée de leur business. Au vu des articles publiés dans la presse locale, l’effet de manche n’est pas très réussi.

Par ailleurs, une semaine avant la COP24,  le président brésilien fraichement élu a annoncé son refus d’héberger la COP25 traduisant de façon très concrète sa position climato-sceptique. Après les Etats-Unis, le Brésil pourrait se retirer des accords de Paris. Une nouvelle épée de Damoclès qui a beaucoup pesé sur l’ambiance et les ambitions de la COP24.

En France, le mouvement des gilets jaunes a fait passer l’évènement au quatrième plan. Les médias français n’en ont pratiquement pas parlé et aucun homme politique d’envergure ne s’y est déplacé.

Ces dommages collatéraux ont notamment mis en évidence que la lutte climatique ne pouvait s’affranchir des deux autres piliers de la transition énergétique à savoir les aspects économiques et sociétaux. L’énergie ne doit pas seulement être « propre » elle doit aussi être « disponible » et « abordable » pour assurer le bien-être de chacun.

Pourquoi les COPs conduisent-elles à des échecs récurrents?

Les accords de Paris sont un contrat cadre « sans annexes ». Un peu comme si une banque acceptait de prêter de l’argent à un particulier sans engagement de ce dernier sur l’échéancier de remboursement. Une sorte de catalogues de bonnes intentions. D’autant que ces intentions sont la plupart du temps irréalistes car émanant de « Khmer Verts » sans scrupule. Une gauche revancharde qui, pour des raisons politiques, pousse les gouvernements et les entreprises à signer contre leur gré des objectifs chimériques.

Ainsi en est-il des 1,5°C à l’horizon 2100 dont tout le monde sait qu’ils seront inatteignables. Pour après traîner les défaillants devant « les tribunaux de l’Histoire » comme essaye de la faire aujourd’hui en France la « pétition pour le climat » lancée par Greenpeace, Notre affaire à tous, Oxfam ou autre Fondation Hulot. Elle aurait recueilli près deux millions de signatures via les réseaux sociaux. Affaire du siècle peut être, arnaque du siècle probablement dans la mesure où la pétition est contrôlée par l’un de ses organisateurs[1]. Mais à coup sûr une démonstration de l’inculture d’une opinion publique manipulée sur des sujets qu’elle ne domine malheureusement pas.

Sauver le climat requiert un discours de vérité que le président français appelle de ses vœux. Tout le monde sait que les énergies fossiles (en particulier le gaz naturel) continueront de jouer un rôle prépondérant au cours des 30 prochaines années, qu’une société 100% renouvelables n’est pas viable, que les biocarburants entrent en concurrence avec la chaîne alimentaire et que la décarbonation de la société passe inévitablement par une croissance du nucléaire. Et puis, n’oublions jamais que le climat ne représente qu’un des trois piliers de la transition. Les deux autres à savoir la sécurité énergétique et la compétitivité des entreprises sont tout aussi importants. L’énergie présentée aujourd’hui comme un mal est l’aliment de notre société de bien-être. Sans énergie, l’espérance de vie serait en France inférieure à 50 ans.

L’hétérogénéité entre les différentes nations et le syndrome du pauvre

Chaque pays est un cas particulier de par son histoire, sa géographie, son économie, sa politique et ses ressources. Pour revenir à l’analogie du contrat cadre comment appliquer le même échéancier à un SDF, un smicard, un cadre supérieur et un PDG du CAC 40? Car, il y a un complet déphasage entre besoins et moyens. 70% du CO2 mondial est émis par les pays émergents qui consomment 75% du charbon et 60% du pétrole. Et ces chiffres augmenteront au cours des trente prochaines années. C’est donc avant tout dans les pays émergents qu’il faut accélérer la transition énergétique et non dans les pays de l’OCDE qui en relatif l’ont pratiquement terminée. C’est ce que nous appelons le « syndrome du pauvre ».

Le coût est estimé par l’ADEME à 1500 milliards d’euros par an, une somme que les pays émergents n’ont bien entendu pas les moyens de mettre sur la table. Les moyens se trouvent dans les pays de l’OCDE. Sauf que 1500 milliards d’euros c’est entre 3% et 4% du PIB de l’OCDE. Comme leur croissance future sera inférieure à 2% cela signifierait pour eux une récession perpétuelle. Leurre technologique, les objectifs de la COP21 sont aussi un leurre économique.

Comment concilier des situations aussi différentes ?

La clé est de trouver la bonne échelle. Même si le réchauffement climatique n’a pas de frontières, le mondialiser dans ses objectifs et ses ressources est une approche vouée à l’échec. Les COPs en sont une claire démonstration. Elles n’arriveront à rien et devraient être définitivement ajournées.

Mais, de la même façon, le nationalisme énergétique conduit à une balkanisation tout aussi inefficace. Il renforce de facto les piliers sécurité énergétique et compétitivité des  entreprises au dépends du pilier climat. Ainsi, en Europe sous prétexte d’héritages séculaires, chaque Etat Membre continue de construire sa propre stratégie sans réelle volonté de consolider une politique énergétique commune. Pendant que l’Allemagne donne des gages aux puissants lobbies écologistes en se retirant du nucléaire mais recommence à importer massivement du charbon et que la France nucléaire referme définitivement le dossier gaz de schistes en excluant même toute phase exploratoire, la Grande-Bretagne adopte, la fiscalité la plus favorable au monde pour encourager sur son sol le développement des hydrocarbures non conventionnels.

Ni mondiale ni nationale quelle est alors la bonne échelle pour la transition?

Notre conviction est que l’échelle régionale est la bonne. Ainsi, l’Europe apparaît-elle comme un espace naturel dans lequel doit s’inscrire une transition énergétique conciliant réduction des émissions, compétitivité des entreprises et sécurité d’approvisionnement.

Par exemple si les émissions étaient comptabilisées à l’échelle européenne et non plus aux échelles nationales cela donnerait beaucoup plus de souplesse aux différentes nations. Ainsi la France pourrait s’appuyer sur le gaz pour réduire ne fut-ce qu’un peu son nucléaire sans que ses surplus d’émissions soient visibles. Sécurité énergétique grâce à l’interconnexion des réseaux de gaz et d’électricité, mutualisation des achats de gaz et de pétrole, de la R&D sur les renouvelables, le stockage de l’énergie et la captation/stockage du carbone sont autant de thématiques structurantes capables de relancer le projet européen.

L’Europe représente un laboratoire d’exception pour tester cette idée de régionalisation. Pensons-y lorsque nous glisserons notre bulletin dans l’urne en mai prochain. Tout vote anti européen sera de facto un vote qui pénalisera la transition énergétique.

[1] http://www.bvoltaire.fr/petition-climat-laffaire-du-siecle-ou-larnaque-du-siecle/

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