Douleur chronique – tribune

Tribune : La douleur chronique, un fléau sous-estimé

Le regard de Olivier Babeau,
Président de l’Institut Sapiens

Tribune initialement publiée dans Le Figaro Vox

Douze millions: ce n’est pas le nombre de Français atteints chaque année de la grippe, qui ne touche que deux à huit millions de personnes par an dans notre pays, mais celui de nos compatriotes qui souffrent de douleur chronique, selon le Livre blanc de la douleur publié en 2017 par la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD).

Qu’est-ce qu’une douleur chronique? C’est une douleur présente pendant plus de six mois et qui ne sert à rien du point de vue médical. Quand la douleur est habituellement une alerte, le signal d’un problème physique à traiter, la douleur chronique est une douleur persistante et inutile. Elle ne dénote pas la maladie: elle devient la maladie.

Au-delà des définitions abstraites, la douleur chronique est un fléau. C’est un fléau économique. Loin de concerner le seul grand âge, les douleurs chroniques touchent de nombreux actifs: on estime que plus de 80 millions de journées de travail sont affectées chaque année par les douleurs chroniques.

De manière plus générale, ces douleurs mal identifiées et mal traitées entraînent également un important surcoût médical pour notre système de santé. Toutefois, les douleurs chroniques sont avant tout un fléau humain, aux conséquences physiques, morales et sociales lourdes pour ses victimes et leur entourage.

Si la douleur chronique est de gravité variable, elle peut se révéler lourdement incapacitante pour de nombreux patients. Elle affecte leur vie professionnelle en les contraignant à des absences, parfois mal comprises. Il suffit de voir la façon dont on traite encore une affection réelle et handicapante comme la migraine, qui ne constitue qu’une des formes de la douleur chronique.

Cette douleur, par son caractère récurrent et envahissant, en vient souvent à occuper tout l’horizon mental, rendant sa victime incapable de penser à tout autre sujet, détériorant ainsi les relations familiales et sociales. Derrière les chiffres se cachent autant de drames humains et personnels.

Aujourd’hui, 70 % des patients atteints de douleurs chroniques ne reçoivent pas un traitement approprié: améliorer ce pourcentage est déjà un premier enjeu majeur. Le second enjeu, c’est de rendre ce traitement plus efficace. Dans un premier temps, les victimes de douleur chronique sont prises en charge par un traitement médicamenteux qui, bien souvent, ne suffit pas à faire disparaître la douleur chronique. Viennent alors les traitements par opiacés, dont on connaît hélas les lourds effets secondaires, pour des résultats parfois décevants.

Le recours aux médicaments est-il donc la seule ou du moins la meilleure des solutions? Non. Depuis plus de dix ans, la technologie offre des méthodes qui soignent dans plus de 70 % des cas, avec des effets secondaires plus rares et moins handicapants. Ces traitements ont des noms: neuromodulation ou stimulation magnétique, TENS ou RTMS. Mais pour en arriver là, il faut généralement compter cinq à six ans de traitements médicamenteux. Que de souffrances inutiles! Pourquoi ne pas inclure ces traitements technologiques, individualisés, plus tôt dans le parcours de soin?

Il est urgent d’élargir la diffusion de ces traitements non-médicamenteux qui ont fait la preuve de leur efficacité. Pour cela, il est indispensable de mener un travail de pédagogie, de relayer le discours des spécialistes de la douleur pour faire avancer la prise de conscience et le débat publics, plus de dix ans après la fin du dernier Plan douleur.

Parmi les initiatives engagées en ce sens, se tiendra le 6 novembre prochain une importante journée réunissant professionnels de la santé, patients, politiques, experts et ouverte à tous (douleur-chronique.tech).

Nous libérer de la douleur est un des plus vieux rêves humains. À l’heure où les progrès de la technologie nous permettent de le toucher du doigt, sachons profiter de ces avancées au bénéfice des individus, de notre système de santé et de toute notre société.