Sondage sur l’usage du numérique par les syndicats

Dans notre travail d’étude et d’analyse relatif à l’avenir du dialogue social, nous avons souhaité évaluer l’usage numérique des syndicats. Dans un sondage IFOP pour l’Institut Sapiens et le cabinet Adding, nous avons interrogé des actifs syndiqués en leur demandant leur perception et leurs usages de outils numériques. Voici les principaux résultats et enseignements.

1. Les outils utilisés par les syndicats pour mener leurs actions


Les médias sociaux apparaissent aujourd’hui comme un formidable outil de communication, procurant aux syndicats de nouveaux moyens d’actions qui peuvent conduire éventuellement à leur revitalisation. Pourtant les tracts et les communications physiques apparaissent en tête des outils encore utilisés par les syndicats. De manière globale, les réseaux sociaux n’apparaissent qu’en troisième position. On relève toutefois une inflexion significative au niveau des pétitions. Les pétitions en ligne sont en effet citées avant les pétitions papiers sans doute en raison de leur efficacité. D’une manière générale, on remarque que les supports physiques sont cités en premier lieu dan 62% des cas, contre 38% des usages digitaux (pétitions en ligne, réseaux sociaux et plateformes spécialisées).
Dans le détail on observe toutefois des différences significatives selon les répondants. On peut ainsi relever que les réponses sont inversées entre les femmes et les hommes. Les hommes privilégient les tracts (33% vs 24%) et la communication physique directe (28% vs. 23%) alors que les femmes citent en premier les réseaux sociaux (31% vs 21%).

L’âge a également une forte influence sur les résultats de l’enquête. Les jeunes ont un autre rapport au collectif de travail et à l’action collective que les générations plus âgées. Les 18-24 privilégient la communication à travers les réseaux sociaux (39% versus 19%) quand leurs ainés citent d’abord la communication physique directe (30% versus 7%). Il est également intéressant de noter une gradation en fonction des âges.


Le secteur géographique a également une forte influence sur les résultats. Les syndiqués de l’agglomérations parisienne citent les pétitions (en ligne et papier) comme 1er mode d’action syndical, avec un taux de réponse deux fois plus élevé que dans les communes rurales et les villes de province. On peut notamment interpréter ces résultats au regard des organisations de l’agglomération parisienne plus fortement ancrée dans le secteur tertiaire, avec un plus fort recours au travail à distance et une plus forte sensibilité à l’usage des médias sociaux.
Les résultats en fonction de la proximité syndicale est difficile à interpréter, de façon générale les résultats sont relativement homogènes Seule grande tendance assez contradictoire, FO est le syndicat où les réseaux sociaux sont cités en premiers mais c’est aussi là que les pétitions en lignes sont les moins citées.Les plateformes spécialisées du type réseaux sociaux d’entreprises sont les outils les moins utilisés par tous les répondants.

2. Le regard sur l’utilisation des ressources numériques par les salariés


Le numérique est perçu par une large majorité (67%) comme un médium qui permet aux salariés de porter eux-mêmes leurs revendications aux employeurs sans passer par les syndicats. Parmi les catégories ayant répondu le plus de oui on retrouve : les 18-24 ans (86%), les employés et les ouvriers (70 et 71%), les habitants de l’agglomération parisienne, les personnes proches de Europe Ecologie les Verts (80%), LREM (73%) et debout la France (75%). Les syndicats semblent avoir le même degré de maturité sur le sujet avec des résultats très proches toute proximité syndicale confondue.


Il est donc assez intéressant de soulever le fait que 97% des syndiqués sont persuadés que les salariés ne pourront jamais utiliser les ressources du numérique pour porter eux-mêmes leurs revendications. Un résultat qui peut démontrer l’existence d’un aveuglement ou d’une sous-estimation de l’utilisation de la ressource numérique par les salariés pour se passer des syndicats.

3. Le jugement sur le rôle du numérique pour les syndicats


Malgré les résultats de la question précédente les syndicats ne semblent pas conscients de la menace que pourrait représenter le numérique qui n’est cité en premier que par 9% des répondants. Dans le même temps, le risque d’éparpillement des acteurs syndicaux est cité par 19% des répondants.
Les conclusions de l’enquête vont toutefois à contrecourant d’idées répandues sur le manque d’intérêt des syndicats pour le numérique. Le numérique est ainsi perçu en premier comme un moyen d’améliorer l’action syndicale (30% des réponses) et immédiatement ensuite comme un mode pour reconquérir des adhérents (22%) puis comme un moyen d’améliorer le dialogue social (20%). Il faut également relever la sociologique particulière des catégories qui considèrent le plus le numérique comme une menace : les 18-24 (12%), les habitants de l’agglomération parisienne (14%).


Il y a cette fois une certaine facture entre les syndicats pour qui le numérique est une menace CFDT 11% ; FO 11% ; CFTC / CFE / CGC 18% et ceux qui ont répondu en dessous de la moyenne CGT 4% ; UNSA 7%.

Conclusion

En conclusion, si le numérique n’est pas absent dans l’esprit des syndicats et de leurs sympathisants, les chiffrent montrent un fossé systématique entre d’une part, les réponses des plus jeunes et les habitants de la région parisienne, et d’autre part, les autres catégories. Les syndicats ne semblent pas par vouloir prendre conscience du risque de se faire « ubériser » par les outils numériques alors qu’ils ont paradoxalement conscience de leur rôle grandissant, qu’il y a une attente plus forte exprimée par les femmes et les jeunes souvent moins représentés au sein des syndicats.
Ces chiffres sont à mettre en corrélation avec les effectifs syndicaux.
Chez les moins de 35 ans, on compte 5% de jeunes travailleurs syndiqués alors que les moins de 25 ans n’en représentent que 2%, à comparer au taux moyen de syndicalisation qui est en France de 11%. Cette différence est la conséquence d’une différence de positionnement sur le marché du travail. Plus on est en CDI, plus on a d’ancienneté, plus on se syndique. La différence de taux de syndicalisation selon l’âge explique le positionnement des syndicats qui continuent à privilégier la communication « à la papa ». Elle est également susceptible de conforter les actions syndicales dans des actions qui ne répondent pas aux aspirations des nouvelles générations pour de nouvelles formes d’actions sociales.

 

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